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"Adapté", "difficile", "inutile": les experts se divisent sur le contenu du premier test de maîtrise du français passé par les futurs profs

www.lalibre.be Les experts se divisent sur le contenu du premier test de maîtrise du français passé par les futurs profs. L'auriez-vous réussi ? Testez-vous !

Sa première édition a été organisée en Bac 1, en octobre dernier. La Libre a reçu les détails de son contenu et les a fait analyser par trois spécialistes. Il y a débat. Pour vous faire votre idée, n'hésitez pas à vous tester: l'épreuve se trouve à la fin de l'article.

Les experts se divisent sur le contenu du premier test de maîtrise du français passé par les futurs profs. L'auriez-vous réussi ? Testez-vous !

lalibre.be "Adapté", "difficile", "inutile": les experts se divisent sur le contenu du premier test de maîtrise du français... Monique Baus 6–8 minutes

Il y a un peu plus d’un mois, nous publiions dans ces pages les résultats du premier test de maîtrise de la langue française. La première édition de cette épreuve avait été proposée, début octobre, à tous les étudiants entamant la nouvelle formation initiale des enseignants. Proposée, car elle était facultative (3 102 étudiants l’ont passée, sur 4 340 étudiants concernés, soit 70 % de l’effectif).

Les étudiants qui l’ont réussie ont validé d’office le cours ad hoc prévu en première année. Les autres ont dû inscrire celui-ci à leur horaire, dans leur programme. Au début de sa formation, quatre étudiant sur cinq n'avaient pas le niveau requis 21 % des participants ont réussi l’épreuve

Pour rappel, l’épreuve était composée de deux parties : répondre à un questionnaire à choix multiples (QCM) permettant de vérifier la bonne compréhension d’un écrit, et rédiger un texte argumentatif. Pour réussir, il fallait trois choses : obtenir 60 % de réponses correctes au QCM, atteindre 97 % de formes correctes dans l’argumentaire écrit (sont considérées comme incorrectes les erreurs d’orthographe, de grammaire, de lexique, de syntaxe et de ponctuation) et obtenir une évaluation d’au moins 50 % pour le contenu de cette production personnelle.

Le QCM a été réussi par 63 % des candidats. L’argumentaire, par contre, a fait échouer beaucoup de monde : seulement 47 % ont satisfait aux exigences d’orthographe, de grammaire, etc. Pire : la production écrite d’à peine 34 % des participants a été jugée satisfaisante sur le fond. Résultat : seulement 21 % des étudiants ayant présenté la nouvelle épreuve l’ont réussie. Réussite en 2022-2023: les premiers retours sont catastrophiques

Que s’est-il passé ? Le test était-il trop difficile ? Certains l’ont laissé entendre, prétendant que le niveau évalué était celui attendu en fin d’études. Pour en avoir le cœur net, La Libre a reçu le contenu et les réponses du QCM et les a transmis à trois experts. Voici ce qu’ils en pensent. “Complexe mais adapté”

Pour Anne-Sophie Romainville, enseignante didacticienne du français et docteure en linguistique à l’Ephec Éducation, le test est relativement complexe mais adapté. “L’épreuve est bien une épreuve dispensatoire et non un test d’entrée, rappelle-t-elle. Il s’agit de voir si certains étudiants ont déjà le niveau de maîtrise de la langue qu’on attend en fin de première année. C’est aussi une manière pour les étudiants d’avoir un feedback rapide sur leurs compétences. De mon point de vue, le test est vraiment d’un niveau C1 dans la classification européenne : celui d’un lecteur autonome, qui peut lire et comprendre des textes de spécialisation (ici un texte scientifique) de façon fine, sans aide mais en pouvant le relire plusieurs fois.” “La dispense n’est pas une bonne idée”

Moins enthousiaste, Xavier Dessaucy enseigne le français depuis une quinzaine d’années dans les dernières années de l’enseignement secondaire. “Je trouve, de manière globale, que le niveau de l’épreuve est assez élevé pour des étudiants qui sortent de l’enseignement secondaire : il n’y a rien d’étonnant à ce que beaucoup d’entre eux n’aient pas atteint les attendus visés, estime-t-il. Après une année de cours de maîtrise de la langue, beaucoup devraient atteindre le niveau.” Et de s’interroger sur la pertinence de l’épreuve. “Si on veut des enseignants bien formés, il est indispensable que tous puissent bénéficier des cours de maîtrise de la langue. Ceux-ci leur permettent de développer des compétences qui ne sont pas évaluées dans cette épreuve et je pense en premier lieu à l’oral, qui est une compétence essentielle dans le travail en classe.”

Le spécialiste s’interroge aussi sur ce qui est visé par la possibilité de dispense. “Est-ce que l’enseignement secondaire est supposé préparer les élèves à maîtriser des attendus de la fin d’une première année de bac ? Se poserait-on la même question pour les ingénieurs ou les médecins ?” Et il ajoute un élément important : “Le public inscrit dans les filières pédagogiques a évolué. Beaucoup d’étudiants viennent, aujourd’hui, de l’enseignement technique, voire de l’enseignement professionnel. Il est donc tout à fait compréhensible que ces étudiants n’atteignent pas d’emblée le niveau attendu.” Dès lors, leur premier contact avec l’enseignement supérieur se fera par l’échec alors que les cours de maîtrise de la langue auraient simplement pu faire partie du cursus de tout le monde. “Une épreuve difficile et inutile”

Professeure de français et maîtrise de la langue en haute école pédagogique depuis 20 ans, cette enseignante qui souhaite conserver l’anonymat a participé à la correction des copies. Elle relaie “un avis largement partagé par ses collègues”. Comme l’expert précédent, elle estime également le test difficile. “En effet, l’exercice porte sur un article universitaire spécialisé en pédagogie. L’avis argumenté demandé ne pouvait être pertinent, étant donné que les jeunes n’ont aucune connaissance sur le sujet. En corrigeant plus de 20 copies, j’ai pu remarquer que cela s’est vérifié. D’une part, les étudiants ne disent que des banalités, passant à côté des subtilités de l’article ; d’autre part, la capacité à rédiger est très peu sollicitée à notre époque (ils ont donc fait des phrases simples et contourné toute difficulté).”

L’enseignante va plus loin : pour elle, ce test s’avère dès lors inutile. “Ce test est extrêmement coûteux en énergie et en temps, extrêmement procédurier et lourd. Les mauvais résultats de ce test entraînent des conséquences désastreuses pour la confiance en soi des étudiants. Ils diffusent aussi une réputation de nullité pour tout un public.” Elle en veut pour preuve cette phrase, lancée par un de ses voisins après la publication des résultats : “Alors, ils sont bien nuls vos étudiants !” Sa dernière remarque vise le cours auquel doivent s’inscrire les étudiants qui n’ont pas réussi le test. “Il s’agit d’un cours de remédiation qui, au lieu d’être bien structuré, ressemble à du bachotage… Ce test à un impact très négatif sur la formation.”

Ces retours déboucheront-ils sur des adaptations pour la prochaine édition ? À suivre.

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