Skip Navigation
Climat : les promesses de l’IA grevées par un lourd bilan carbone
  • L'article est déjà trop long en essayant de soupeser l'opposition entre intérêt vertueux de l'IA et consommation énergétique pour essayer d'être neutre, faire de la vulga à ce sujet rallongerait encore le propos.

    Pour les chiffres, il y en a peut-être ici : https://legrandcontinent.eu/fr/2024/07/13/lia-fait-exploser-la-consommation-denergie/ si j'arrive à faire sauter le paywall je le poste ici (dans l'attente de tes réactions).

    Après désolé, je ne comprends pas l'anglais, ces sources ne sont pas intéressantes pour moi livrées brutes.

  • Climat : les promesses de l’IA grevées par un lourd bilan carbone
  • C'est surtout cette partie qui relève le problème autre chose que d'un discours tronqué (forcément c'est du journalisme grand public) :

    « Nous pensons que les bénéfices de l’IA pour le climat vont significativement dépasser les aspects négatifs », assure surtout M. Elman, de Google, comme les dirigeants de Microsoft. L’IA ne serait responsable que d’environ 0,01 % des émissions mondiales, selon un article cosigné par des experts de Microsoft, qui ont appuyé leur calcul sur la consommation électrique des processeurs réservés à l’IA en 2023. Ces estimations sont contestables, rétorque M. Ferreboeuf, du Shift Project : « D’ici à trois ans, la part de l’IA va passer de 8 % à 45 % dans la consommation électrique des centres de données, qui va doubler », explique-t-il, citant des chiffres du cabinet SemiAnalysis. En 2026, l’IA pourrait donc représenter environ 0,9 % des émissions mondiales et les centres de données environ 2 % [contre 0,6 % en 2020], selon l’AIE, estime-t-il. « De plus, le raisonnement en pourcentage n’est pas pertinent, insiste l’expert. Ce qu’il faut, c’est savoir si les émissions absolues baissent de 5 % à 7 % par an, comme le prévoit l’accord de Paris. » C’est très dur d’avoir un débat sur le bilan de l’IA » en raison du « manque de chiffres étayés », déplore Sasha Luccioni, spécialiste de la consommation électrique à la start-up d’IA Hugging Face. Elle pointe de plus le risque d’un « effet rebond » qui contrebalance les gains d’efficacité énergétique en faisant augmenter les usages. Et note qu’il faudrait aussi intégrer les activités carbonées que l’IA favorise, comme l’extraction pétrolière : TotalEnergies a noué un partenariat avec Google et Exxon Mobil avec Microsoft… Une consommation électrique croissante Au-delà des émissions de CO2 des centres de données, leur consommation électrique croissante suscite des inquiétudes : elle pourrait plus que doubler, d’ici à 2026, et passer de 1,7 % à entre 2 % et 3,5 % de la demande mondiale, selon les estimations de l’AIE, qui y inclut les cryptomonnaies. Outre des problèmes liés à l’eau utilisée pour refroidir les processeurs, cette expansion fait craindre des pénuries locales d’électricité ou des conflits d’usages, par exemple avec les voitures électriques. De plus, pointe M. Ferreboeuf, il y a un risque d’accaparement des ressources limitées en énergies renouvelables : Amazon, Meta, Google et Microsoft ont, à eux seuls, acheté 29 % des nouveaux contrats d’éolien et de solaire dans le monde, en 2023, selon Bloomberg.

    On a donc une nouvelle technologie gourmande en énergie qui par ailleurs n'est pas infinie. Donc à voir avec ton point 5 si ta prévision sera (je le souhaite mais crains que non) moins pessimiste que les interrogés (qui par ailleurs ne se contredisent pas et disent juste que bénéfices>inconvénients).

  • Que vous évoque cette peinture rupestre ?
  • Lecture 1er degré, Banksy s'est fait effacer un de ses pochoirs et il a méga le seum et comme il est égocentré il compare on œuvre a celle de Lascaux en importance pour dénoncer ce qu'il lui est arrivé.

    Lecture 2eme degré, l'hygiènisme de la société tend à vouloir effacer l'expression des hommes, ce faisant on oublie notre histoire.

    Lecture 3eme degré, en faisant un tag qui efface un taf primitif, Banksy renverse la valeur de qui fait quoi dans une proposition artistique postmoderne et méta, l'effaceur de cette oeuvre sera alors la reproduction du comportement dénoncé dans l'œuvre et devra donc s'effacer lui-même pour effacer l'artiste.

  • Climat : les promesses de l’IA grevées par un lourd bilan carbone
    www.lemonde.fr Climat : les promesses de l’IA grevées par un lourd bilan carbone

    Si les gains de l’intelligence artificielle pour réduire les émissions restent hypothétiques, les coûts énergétiques, déjà importants, vont devenir, eux, colossaux.

    Climat : les promesses de l’IA grevées par un lourd bilan carbone

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/08/04/climat-les-promesses-de-l-ia-grevees-par-un-lourd-bilan-carbone_6266586_3244.html

    L’intelligence artificielle (IA) est-elle davantage un remède qu’un poison climatique ? Les géants de la tech, de Google à Microsoft, le clament haut et fort : les apports de ces technologies pour décarboner les économies et s’adapter au réchauffement seront à terme majeurs. A l’inverse, nombre d’experts préviennent que ces gains restent hypothétiques. L’empreinte carbone et la consommation électrique de services comme ChatGPT, d’ores et déjà importantes, risquent de devenir colossales. Ils appellent à la mesure face à une solution « utile » mais pas « miracle ».

    Une meilleure connaissance du climat L’IA est considérée comme un outil efficace pour mieux comprendre le changement climatique et répondre aux incertitudes qui persistent. Elle est de plus en plus utilisée dans les prévisions météorologiques, comme s’y emploie le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), et pour les simulations du climat du futur. Google Research a ainsi dévoilé, le 22 juillet, dans la revue britannique Nature, une nouvelle approche, NeuralGCM, mélangeant IA et modèles climatiques fondés sur la physique, afin de simuler la météo et le climat de la Terre jusqu’à 3 500 fois plus vite que d’autres modèles et de manière autant, voire plus, précise sur une majorité de paramètres.

    L’IA sert aussi à mieux anticiper les événements extrêmes, notamment « les incendies, les avalanches ou la trajectoire et les changements brusques d’intensité des cyclones », explique Claire Monteleoni, titulaire de la chaire Choose France AI et directrice de recherche à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Dans le cadre du projet de recherche européen Xaida, le climatologue Pascal Yiou fait, quant à lui, appel à l’IA pour savoir si ces catastrophes sont dues au changement climatique d’origine humaine – ce que l’on appelle la science de l’attribution.

    Il utilise aussi l’IA pour prédire la survenue d’événements rares, comme des canicules historiques, afin de mieux préparer la société. « Nous avons, par exemple, réalisé 10 000 simulations de l’été 2024 pour savoir ce qui pouvait arriver », explique le directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. L’exercice a pris une semaine pour former l’IA puis une dizaine de minutes pour produire des résultats. Deux ou trois mois auraient été nécessaires avec des modèles de climat qui tournent sur des supercalculateurs. « L’IA nous permet de tester davantage d’hypothèses et de répondre à des questions de recherche jusqu’à présent inaccessibles », juge M. Yiou.

    Des solutions pour réduire les émissions de CO2 L’IA commence à être utilisée pour accélérer la transition écologique. « Elle est bien adaptée, car les problématiques du climat sont complexes et multifactorielles, donc difficiles à gérer », estime Gilles Babinet, coprésident du Conseil national du numérique et auteur de Green IA. L’intelligence artificielle au service du climat (Odile Jacob, ‎224 pages, 22,90 euros).

    Mme Monteleoni explique collaborer avec EDF « pour mieux comprendre où installer des éoliennes en fonction des modifications des vents liés au changement climatique ». L’IA peut aider à optimiser les réseaux électriques, responsables d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, « en sachant prédire où c’est ensoleillé ou venteux dans les jours qui viennent, afin de maximiser la production de renouvelables et moins s’appuyer sur d’autres sources d’énergie plus sales », poursuit-elle.

    Les autres exemples d’usages sont légion : observer et inventorier les émissions de millions de sites polluants à travers le globe et traquer la déforestation, développer de nouveaux matériaux, par exemple de meilleurs composants de batteries, optimiser les systèmes de chauffage et de climatisation dans les bâtiments, améliorer l’agriculture de précision, pour limiter les intrants ou l’irrigation, comme les recense une vaste étude, publiée en 2022, par une vingtaine d’universitaires et d’experts de la tech, dont Google.

    « Nous voyons l’IA comme une occasion pour le climat », résume Adam Elman, responsable du développement durable pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient chez Google. Parmi ses services, il cite Google Maps, qui, grâce aux données sur la topologie ou le trafic routier, « propose des itinéraires qui minimisent l’utilisation de carburant ». « Depuis 2021, cela a évité 2,9 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent de 660 000 voitures retirées de la route par an », assure-t-il. Les thermostats Nest, de Google, qui peuvent contrôler automatiquement le chauffage et la climatisation d’un domicile, auraient, eux, permis d’économiser 7 millions de tonnes de CO2, toujours selon l’entreprise. Le groupe a également effectué des tests pour réduire, grâce à l’IA, les traînées de condensation des avions, qui aggravent le réchauffement climatique.

    Quel pourrait être l’impact pour le climat de l’ensemble de ces pistes ? Il n’existe pas de chiffres ayant fait l’objet d’études approfondies. Les solutions liées à l’IA, si elles étaient mises en œuvre largement, pourraient réduire les émissions de CO2 mondiales de 5 % à 10 %, d’ici à 2030, assure un rapport du Boston Consulting Group commandé par Google. Mais cette estimation n’est qu’une simple extrapolation à partir d’un article de 2021 racontant quelques cas de clients du cabinet de conseil. Un rapport de PwC sur quatre secteurs, financé par Microsoft en 2019, avançait, lui, une fourchette de baisse de 1,5 % à 4 %, d’ici à 2030. Des chiffres que remet en cause Hugues Ferreboeuf, spécialiste du numérique au cercle de réflexion The Shift Project : « Toutes les approches sérieuses mettent en avant l’impossibilité de généraliser à partir de cas d’étude spécifiques. »

    Une empreinte carbone en pleine expansion L’enjeu est de taille, car l’IA a d’ores et déjà un coût environnemental important : celles génératives, capables de créer des textes, des images ou des vidéos, nécessitent énormément de calcul informatique, lors de la phase d’entraînement mais surtout d’utilisation. Une requête sur un assistant comme ChatGPT consomme dix fois plus d’électricité qu’une recherche sur Google, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

    Selon l’organisation non gouvernementale (ONG) Data For Good, spécialisée dans la production de données sur les technologies, 100 millions d’utilisateurs de la dernière version de ChatGPT, avec une conversation par jour, émettraient autant de CO2 en un an que de 100 000 à 364 000 Français. Or, ce type d’assistants d’IA est en cours de déploiement sur le moteur de recherche de Google, les réseaux sociaux de Meta, les smartphones Apple ou Samsung… Les centaines de milliards d’euros investis dans les centres de données par les géants du numérique, en grande partie pour répondre aux besoins de l’IA, ont d’ores et déjà fait bondir leurs émissions de CO2, en raison de la construction des bâtiments et de la fabrication des processeurs : en 2023, + 30 % pour Microsoft et + 13 % pour Google (+ 50 % depuis 2019).

    Ce décrochage lié à l’IA remet-il en cause l’objectif de « zéro carbone en 2030 » fixé par Microsoft ou Google ? « Nous sommes très engagés dans la poursuite de cet objectif », assure M. Elman, de Google, tout en soulignant que ce but est « très ambitieux et difficile à atteindre ». Les géants du numérique misent sur leurs achats d’énergies renouvelables et leurs efforts d’efficacité énergétique pour y parvenir.

    « Nous pensons que les bénéfices de l’IA pour le climat vont significativement dépasser les aspects négatifs », assure surtout M. Elman, de Google, comme les dirigeants de Microsoft. L’IA ne serait responsable que d’environ 0,01 % des émissions mondiales, selon un article cosigné par des experts de Microsoft, qui ont appuyé leur calcul sur la consommation électrique des processeurs réservés à l’IA en 2023.

    Ces estimations sont contestables, rétorque M. Ferreboeuf, du Shift Project : « D’ici à trois ans, la part de l’IA va passer de 8 % à 45 % dans la consommation électrique des centres de données, qui va doubler », explique-t-il, citant des chiffres du cabinet SemiAnalysis. En 2026, l’IA pourrait donc représenter environ 0,9 % des émissions mondiales et les centres de données environ 2 % [contre 0,6 % en 2020], selon l’AIE, estime-t-il. « De plus, le raisonnement en pourcentage n’est pas pertinent, insiste l’expert. Ce qu’il faut, c’est savoir si les émissions absolues baissent de 5 % à 7 % par an, comme le prévoit l’accord de Paris. »

    « C’est très dur d’avoir un débat sur le bilan de l’IA » en raison du « manque de chiffres étayés », déplore Sasha Luccioni, spécialiste de la consommation électrique à la start-up d’IA Hugging Face. Elle pointe de plus le risque d’un « effet rebond » qui contrebalance les gains d’efficacité énergétique en faisant augmenter les usages. Et note qu’il faudrait aussi intégrer les activités carbonées que l’IA favorise, comme l’extraction pétrolière : TotalEnergies a noué un partenariat avec Google et Exxon Mobil avec Microsoft…

    Une consommation électrique croissante Au-delà des émissions de CO2 des centres de données, leur consommation électrique croissante suscite des inquiétudes : elle pourrait plus que doubler, d’ici à 2026, et passer de 1,7 % à entre 2 % et 3,5 % de la demande mondiale, selon les estimations de l’AIE, qui y inclut les cryptomonnaies. Outre des problèmes liés à l’eau utilisée pour refroidir les processeurs, cette expansion fait craindre des pénuries locales d’électricité ou des conflits d’usages, par exemple avec les voitures électriques.

    De plus, pointe M. Ferreboeuf, il y a un risque d’accaparement des ressources limitées en énergies renouvelables : Amazon, Meta, Google et Microsoft ont, à eux seuls, acheté 29 % des nouveaux contrats d’éolien et de solaire dans le monde, en 2023, selon Bloomberg.

    Sur les perspectives à long terme, certains apôtres de l’IA assument une explosion des besoins. « L’IA nécessitera de produire le double de l’électricité disponible dans le pays, vous imaginez ? », vient de prévenir le candidat à la présidentielle américaine Donald Trump. « Il n’y a pas moyen [de couvrir les besoins énergétiques de l’IA] sans une avancée scientifique », avait déjà prophétisé, en janvier, Sam Altman, le fondateur d’OpenAI, espérant des percées dans la fusion nucléaire, vue comme une « énergie propre et illimitée ».

    Vers une autre IA ? « L’IA générative incarne le technosolutionnisme, ou le mythe de la technologie qui va nous sauver », déplore Lou Welgryn, coprésidente de Data For Good. Présenter l’IA comme une solution à la crise environnementale risquerait de dissuader la société d’agir et d’aller vers davantage de sobriété. L’argument servirait aussi à verdir l’image d’une technologie qui, pourtant, « met sous stéroïdes notre économie actuelle, très carbonée » et favorise la croissance, la publicité et la surconsommation, regrette-t-elle.

    L’urgence serait de questionner les usages de l’IA, notamment générative. Et même d’y renoncer dans certains cas. Le référentiel publié fin juin par l’organisme de certification Afnor invite ainsi à préférer, si possible, « une autre solution moins consommatrice pour répondre au même objectif ». Et à privilégier une « IA frugale ». Le principe est là de recourir à des modèles d’IA moins puissants ou moins généralistes pour traiter les requêtes les plus simples ou des usages plus spécifiques.

    « Entre le technosolutionnisme et la décroissance, il y a une troisième voie possible », pense M. Babinet. Selon lui, il faut encourager les usages utiles de l’IA, qui, souvent, ne nécessitent pas d’IA générative, et « décourager » les usages futiles et gourmands en calcul, comme la génération d’images sur les réseaux sociaux. « Il faut donc faire payer le vrai prix de l’environnement », poursuit-il, proposant d’intégrer les services numériques comme l’IA dans le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières par lequel l’UE va taxer des produits en fonction de leurs émissions de CO2.

    Sasha Luccioni ou Frédéric Bordage, de l’ONG Green IT, souhaitent, eux, la création d’une sorte « d’écoscore » qui, à la manière du Nutri-Score pour les aliments, ferait la transparence sur les coûts environnementaux des modèles d’IA, afin d’orienter les usages. Dans cet esprit, l’Afnor a énoncé des méthodologies de calcul pour mesurer l’impact environnemental de l’IA, afin de communiquer « avec des allégations justes et vérifiables ». Et « sans greenwashing », précise le communiqué.

    Audrey Garric et Alexandre Piquard

    11
    [Fil quotidien] Discussion du jour 03-08-2024
  • Ça dépend ce que tu recherches, un délire paramilitaire, une pratique équilibrée, quelque chose de noble plutôt trad ou un truc street, une pratique exotique.. après ça dépend énormément du type de coaching, si c'est à la mode et du profil des adhérents.

    Dans tous les cas ne pas hésiter à demander des entraînements d'essai, tu vas rapidement être mis au parfum.

  • [Cuisine] Quel est votre plat réconfort ?
  • Tout ce qui est capable de frire (falafels, pommes de terre etc). Et si ça peut pas frire en l'état ça peut quand même frire avec de la chapelure autour (camembert, arancini, filet de dinde). Ce post est sponso par Athérome Corporation.

  • Édito. La campagne de Xavier Bertrand pour Matignon
  • C'est pas le pire que la droite pouvait choisir cela dit. Il a plutôt assez bonne estime en tant qu'élu Haut de France. Reste que bon, si il était raisonnable il demanderait à Manu de prendre Lucie Castets.

  • Les taxis, déçus par les JO, demandent des compensations
  • Incohérent nan, culotté ouais, surtout quand on connaît le milieu des VTC et de leur rapport apaisé aux autorités de contrôle.

    Dommage que les JO soient pas un cas de force majeure ou une catastrophe naturelle et que contrairement aux champs des agriculteurs, les taxis peuvent se déplacer. C'est vraiment très très triste.

  • Une autre intelligence artificielle est possible, d'Evgeny Morozov
  • Jveux bien que tu continues au contraire, la critique est intéressante. L'auteur ayant fait Harvard et dresse le portrait d'une double filiations de l'IA via des chercheurs du MIT, je suis curieux de connaître ta réalité.

  • La TNT est-elle à l'origine de la montée de l'extrême droite ?
  • C'est un peu bateau ce que je vais dire mais au cas où : corrélation n'est pas causalité. Si tu analyses sous un seul prisme tu masques d'autres facteurs pouvant jouer un rôle voire même ton raisonnement peut sapper un mécanisme important qui contredirait la causalité que tu cherches à démontrer.

    Sans compter l'oeuf ou la poule, par ex ce que tu observes génère l'extrême droite, ou l'extrême droite génère ce que tu observes. Tintintin.

  • Une autre intelligence artificielle est possible, d'Evgeny Morozov

    Un spectre hante l’Amérique — le spectre du communisme. Cette fois, il est numérique. « Le communisme géré par intelligence artificielle pourrait-il fonctionner ? », demande Daron Acemoğlu, économiste au Massachusetts Institute of Technology (MIT), tandis que le capital-risqueur Marc Andreessen s’inquiète de savoir si la Chine s’apprête à créer une intelligence artificielle (IA) communiste (1). Même le trublion républicain Vivek Ramaswamy y va de son analyse en affirmant sur X que l’IA procommuniste constitue une menace comparable à celle du Covid-19.

    Mais qui sait vraiment, au milieu de la panique générale, de quoi l’on parle ? Une intelligence artificielle communiste suivrait-elle le modèle chinois, avec des plates-formes calquées sur celles des grandes sociétés américaines et soumises à un étroit contrôle étatique, ou plutôt une approche de type État social à l’européenne, avec un développement centralisé aux mains d’institutions publiques ?

    La seconde option présente un certain attrait, d’autant plus que la course à l’IA tend aujourd’hui à faire passer la rapidité avant la qualité — on a pu s’en apercevoir en mai dernier lorsque la fonction AI Overviews de Google a recommandé de mettre de la colle dans ses pizzas et de manger des pierres (2). Un financement public de l’IA générative, qui s’accompagnerait d’une sélection rigoureuse des données ainsi que d’une supervision exigeante, pourrait accroître la qualité des outils et le prix facturé aux entreprises clientes, garantissant ainsi une meilleure rémunération des créateurs de contenu.

    Pour autant, chercher à développer une économie socialisée de l’intelligence artificielle, n’est-ce pas encore capituler face à la Silicon Valley ? Une IA « communiste » ou « socialiste » doit-elle se limiter à décider qui détient et contrôle les données ou à modifier les modèles et les infrastructures informatiques ? Ne pourrait-elle être porteuse de transformations plus profondes ?

    Deux exemples puisés dans l’histoire contemporaine suggèrent une réponse positive. Le premier se nomme CyberSyn, l’initiative visionnaire du président chilien Salvador Allende (3). Piloté par un consultant britannique charismatique du nom de Stafford Beer, ce projet aussi ambitieux qu’éphémère (1970-1973) visait à inventer une manière plus efficace de gérer l’économie en mettant à profit les modestes ressources informatiques du pays.

    CyberSyn, souvent qualifié d’« Internet socialiste », s’appuyait sur le réseau chilien de télex pour faire remonter l’ensemble des données de production des entreprises nationalisées vers un ordinateur central basé à Santiago. Toutefois, dans le souci d’éviter les écueils de la centralisation soviétique, il introduisait une forme d’apprentissage automatique avant l’heure destinée à donner plus de pouvoir aux salariés.

    Des techniciens gouvernementaux se rendaient dans les usines et travaillaient en lien avec les ouvriers pour schématiser les processus de production et de gestion tels qu’ils étaient appliqués sur le terrain. Ces précieuses informations, inaccessibles aux dirigeants dans une entreprise capitaliste, étaient ensuite traduites en modèles d’exploitation, puis surveillées à l’aide de logiciels de statistiques spécifiques. Les ouvriers-managers pouvaient ainsi être avisés presque en temps réel des problèmes qui se présentaient.

    Au cœur de CyberSyn se trouvait la vision d’un système hybride dans lequel la puissance de calcul amplifiait l’intelligence humaine. Transformer des connaissances implicites en un savoir formalisé et concret devait permettre aux travailleurs — la classe nouvellement arrivée aux commandes du pays — d’agir avec assurance et à bon escient quelle que fût leur expérience antérieure en matière de gestion ou d’économie. Y aurait-il là de quoi nous guider dans notre quête d’une IA socialiste ?

    Pour explorer plus en avant la signification de cette idée singulière, il faut s’intéresser aux aventures de Warren Brodey, psychiatre passé à la cybernétique avant de devenir hippie, aujourd’hui âgé de 100 ans. Une rationalité écologique

    À la fin des années 1960, grâce aux deniers d’un riche associé, M. Brodey crée à Boston un laboratoire expérimental baptisé Environmental Ecology Lab (EEL). Quelques stations de métro plus loin, ses amis Marvin Minsky et Seymour Papert, du MIT — une institution à laquelle il a été affilié un temps —, développent des projets d’IA qui, selon lui, font fausse route. Minsky et Papert partent du principe que le raisonnement humain est guidé par un ensemble de règles et de processus algorithmiques abstraits qu’il suffirait de dénombrer puis de déchiffrer pour pouvoir doter un ordinateur d’une « intelligence artificielle ».

    À rebours de cette vision, Brodey et ses cinq collaborateurs pensent que l’intelligence, loin d’être enfermée dans nos cerveaux, naît des interactions avec notre environnement. C’est une intelligence écologique. Règles et mécanismes abstraits n’ont aucun sens en soi ; tout est dans le contexte. Un exemple simple leur sert à illustrer cette théorie : l’injonction à se déshabiller ne signifie pas du tout la même chose selon qu’elle est proférée par un médecin, un amant ou un inconnu rencontré dans une ruelle sombre.

    Concevoir une IA capable de saisir de façon autonome ces nuances subtiles leur paraît relever de la gageure. En plus de modéliser les processus mentaux humains, il faudrait demander aux ordinateurs de maîtriser une infinie variété de concepts, de comportements et de situations ainsi que l’ensemble de leurs corrélations — autrement dit, de comprendre dans son intégralité le cadre culturel de la civilisation humaine, seul à même de produire du sens.

    Plutôt que de s’épuiser à poursuivre ce but en apparence inatteignable, l’équipe de Brodey rêve de mettre les ordinateurs et les technologies cybernétiques au service des humains pour leur permettre d’explorer mais aussi d’enrichir leur environnement, et surtout leur propre personne. Dans cette optique, les technologies de l’information sont non seulement des outils pour accomplir des tâches, mais des instruments pour penser le monde et interagir avec lui. Imaginez par exemple une douche cybernétique réactive qui deviserait avec vous du changement climatique et de la rareté des ressources en eau, ou encore une voiture qui vous parlerait de l’état du système de transport public pendant votre trajet. Le laboratoire invente même une combinaison qui, quand vous la revêtez pour danser, modifie la musique en temps réel, mettant en évidence les liens complexes entre sons et mouvements.

    L’Environmental Ecology Lab prend résolument le contrepied de l’école de Francfort et de sa critique de la raison instrumentale : c’est le capitalisme industriel, non pas la technologie, qui prive notre monde de sa dimension écologique et nous oblige à nous tourner vers la rationalité moyens-fins que dénoncent Theodor Adorno, Max Horkheimer et Herbert Marcuse. Pour restaurer cette dimension perdue, il entend nous faire prendre conscience, à l’aide de capteurs et d’ordinateurs, des complexités cachées derrière les aspects de l’existence qui nous paraissent les plus banals.

    Les idées fantasques de Brodey ont laissé une empreinte profonde mais, paradoxalement, quasi invisible sur notre culture numérique. Durant sa brève carrière au MIT, Brodey prit sous son aile un certain Nicholas Negroponte, techno-utopiste d’avant-garde dont les travaux au sein du MIT Media Lab ont largement contribué à définir les termes du débat autour de la révolution numérique (4). Pourtant, les philosophies respectives des deux hommes différaient du tout au tout. JPEG - 91.9 ko Laurent Millet. – De la série « Euclide », 2021 © Laurent Millet - www.laurent-millet.com - Galerie Binome, Paris

    Brodey pensait que les appareils cybernétiques de nouvelle génération devaient se distinguer prioritairement par leur « réactivité », un moyen de faciliter le dialogue homme-machine et d’aiguiser notre conscience écologique. Il postulait que les individus aspiraient sincèrement à évoluer et concevait l’ordinateur comme un allié dans cette entreprise de transformation permanente. Son poulain Negroponte réadapta le concept pour le rendre plus maniable : les machines avaient pour fonction première de comprendre, prédire et satisfaire nos besoins immédiats. En somme, Negroponte cherchait à créer des machines originales et excentriques quand Brodey, convaincu que les environnements intelligents — et l’intelligence tout court — ne pouvaient exister sans les gens, cherchait à créer des humains originaux et excentriques. La Silicon Valley adopta la vision de Negroponte.

    Un autre élément singularisait Brodey par rapport à ses pairs : alors que les informaticiens de l’époque voyaient dans l’IA un outil d’augmentation de l’humain — les machines exécutant les basses besognes pour stimuler la productivité —, lui visait l’amélioration de l’humain — un concept qui allait bien au-delà de la seule efficacité (5).

    La distinction entre ces deux paradigmes est subtile, mais cruciale. L’augmentation, c’est lorsque vous utilisez le GPS de votre téléphone portable pour vous repérer en terrain inconnu : cela permet d’arriver plus vite et plus facilement à destination. Le gain reste toutefois éphémère. Que l’on vous retire cette béquille technologique, et vous vous retrouvez plus démuni encore. L’amélioration consiste à se servir de la technologie pour développer de nouvelles compétences — ici, il s’agirait d’affiner son sens inné de l’orientation en recourant à des techniques avancées de mémorisation ou en apprenant à déchiffrer les signes de la nature.

    En substance, l’augmentation nous retire des capacités au nom de l’efficacité, tandis que l’amélioration nous en fait acquérir de nouvelles et enrichit nos interactions avec le monde. De cette différence fondamentale découle la manière dont nous intégrons la technologie dans nos vies pour nous transformer soit en opérateurs passifs, soit en artisans créateurs.

    Brodey s’était forgé ces convictions en participant, en sa qualité de psychiatre, à un programme plus ou moins secret élaboré par la Central Intelligence Agency (CIA) au début des années 1960. L’agence américaine avait eu la brillante idée d’enseigner le russe à une équipe de non-voyants triés sur le volet, puis de leur faire écouter des communications soviétiques interceptées. Elle faisait l’hypothèse que, en raison de leur cécité, leurs autres sens étaient plus affûtés que ceux d’analystes dotés de la vue. Après plusieurs années à travailler avec ces personnes dans le but d’identifier les indices internes et externes — chaleur corporelle, taux d’humidité ambiante, qualité de la lumière… — qu’elles utilisaient pour enrichir leurs perceptions, Brodey découvrit que leur aptitude au perfectionnement des sens était en fait universellement partagée.

    Si ce programme d’amélioration qui nous prêtait à tous une sensibilité artistique en puissance était résolument poétique, Brodey, en incorrigible pragmatique, le jugeait impossible à mettre en œuvre sans l’aide des ordinateurs. Lorsqu’il tenta de l’importer au MIT pour en faire un domaine de recherche officiel, il se heurta à une opposition farouche, et pas seulement de la part de l’élite conservatrice de l’IA. D’autres y lurent aussi de sombres connotations nazies : Brodey ne suggérait-il pas de réaliser des expériences sur des humains ? Cette levée de boucliers l’obligea finalement à se tourner vers des donateurs privés.

    La nuance profonde entre augmentation et amélioration de l’humain — et ses conséquences en matière d’automatisation — n’est apparue de manière évidente que des décennies plus tard. L’augmentation vise à créer des machines qui pensent, ressentent comme nous, faisant naître le risque de rendre nos compétences caduques. Les outils actuels fondés sur l’IA générative ne se proposent pas seulement d’augmenter le travail des artistes et des auteurs, mais menacent de les remplacer purement et simplement. À l’inverse, les technologies intelligentes de Brodey ne devaient pas automatiser l’humanité jusqu’à la rendre obsolète ni standardiser les existences, elles promettaient d’enrichir nos goûts et d’étendre nos facultés, autrement dit de rehausser l’expérience humaine au lieu de l’amoindrir. Libérer les capacités humaines en sommeil

    C’était un point de vue courageux dans le contexte de l’époque, alors que la majorité des représentants de la contre-culture envisageaient la technologie comme une force anonyme et sans âme dont il valait mieux se méfier ou, dans les communautés prônant le « retour à la terre », comme un instrument d’émancipation uniquement individuelle. Lorsqu’il formule ces idées au mitan des années 1960, Brodey voit sa vie professionnelle et familiale se déliter. Ses prises de position ne cessent de le porter vers les franges les plus avant-gardistes de l’establishment américain. Comme beaucoup au sein de la mouvance hippie, il ne reconnaît pas la légitimité du politique, ce qui l’empêche de traduire ses théories en revendications.

    À l’autre bout de la planète, un philosophe soviétique du nom d’Evald Ilyenkov, né comme lui en 1924, se pose des questions tout à fait comparables, mais à l’intérieur du cadre conceptuel du « marxisme créatif ». Ses travaux permettent de mieux comprendre ce que recouvre le concept d’amélioration de l’humain dans la pensée communiste et socialiste.

    Comme Brodey, Ilyenkov a beaucoup travaillé avec des non-voyants. De ses études, il a conclu que les capacités cognitives et sensorielles découlent de la socialisation et des interactions avec la technologie. Pour peu que nous trouvions les bons environnements pédagogiques et technologiques, nous pouvons cultiver des compétences que nous possédons à l’état latent. Le communisme vise ainsi, sous la houlette de l’État, à libérer les capacités humaines en sommeil afin que chacun puisse réaliser pleinement son potentiel, indépendamment des barrières sociales ou naturelles.

    Excédé par la fascination des bureaucrates soviétiques pour l’IA à l’américaine, Ilyenkov en propose une critique particulièrement convaincante dans un article de 1968 intitulé « Idoles et idéaux » (6). À ses yeux, mettre au point une intelligence artificielle s’apparentait à construire une énorme et ruineuse usine de sable artificiel en plein cœur du Sahara. Même en admettant qu’elle fonctionne à la perfection, il était absurde de ne pas profiter plutôt de la ressource naturelle disponible en abondance, au-delà de ses murs.

    Près de soixante ans plus tard, la dénonciation d’Ilyenkov n’a rien perdu de son actualité. Nous sommes toujours coincés dans ce désert à défendre le bien-fondé de l’usine, sans voir que personne, hormis les états-majors et les architectes de l’ordre économique, n’en a vraiment besoin. Brodey utilisait par ailleurs une autre image, empruntée à Marshall McLuhan : ses technologies écologiques avaient le pouvoir de nous dessiller, comme un poisson qui prendrait subitement conscience de l’existence de l’eau. De la même façon, il est temps que quelqu’un révèle aux obsédés de l’IA qu’ils sont entourés d’un gigantesque gisement d’intelligence, humaine, créative, imprévisible et poétique.

    Reste la grande question : pourrons-nous nous améliorer réellement si nous persistons à manier des concepts comme l’IA, qui semble contredire l’idée même de développement humain ?

    L’ambition de construire une intelligence artificielle n’a pas fait qu’engloutir des milliards de dollars ; pour certains, elle a aussi eu un coût sur le plan personnel. L’intransigeance des jeunes loups qui ont présidé à son expansion — avec leurs levées de fonds tous azimuts et leur définition rigide des frontières de la discipline — a ainsi conduit à marginaliser des penseurs visionnaires comme Stafford Beer et Warren Brodey, que l’étiquette « intelligence artificielle » a toujours mis mal à l’aise.

    Les deux hommes, qui eurent l’occasion de se rencontrer peu de temps avant la mort du premier en 2002, étaient issus de milieux diamétralement opposés. Ancien chef d’entreprise, Beer était membre du très élitiste Club Athenaeum britannique ; Brodey avait grandi à Toronto dans une famille juive de classe moyenne. Cela ne les empêchait pas de vouer un même mépris à l’IA en tant que discipline scientifique et au dogmatisme de ses praticiens. Ils partageaient aussi un père spirituel : Warren McCulloch, géant de la cybernétique.

    La cybernétique était née juste après la seconde guerre mondiale sous les auspices du mathématicien Norbert Wiener. De nombreux chercheurs, pionniers dans leurs champs respectifs (mathématiques, neurophysiologie, ingénierie, biologie, anthropologie…), s’étaient aperçus d’une difficulté commune : tous se heurtaient à des processus complexes et non linéaires dans lesquels il devenait impossible de distinguer les causes des effets — l’effet apparent d’un processus naturel ou social donné pouvant se révéler simultanément lié à un autre.

    Articulée autour de cette idée de causalité mutuelle et d’imbrication entre des phénomènes apparemment indépendants, la cybernétique était moins une discipline scientifique qu’une philosophie. Ses grands penseurs n’abandonnaient pas leur domaine de recherche initial, mais enrichissaient leurs analyses d’une perspective nouvelle. L’approche interdisciplinaire permettait d’appréhender les processus à l’œuvre dans les machines, les cerveaux humains et les sociétés au moyen d’un même ensemble de concepts.

    Quand l’intelligence artificielle fit son apparition au milieu des années 1950, elle se posa comme une émanation naturelle de la cybernétique ; en réalité, elle marquait plutôt une régression. La cybernétique avait voulu s’inspirer des machines pour mieux comprendre l’intelligence humaine, et non pour la reproduire. Décomplexée, la discipline émergente de l’IA entreprit d’ouvrir une nouvelle voie en fabriquant des machines capables de « penser » comme nous. L’objectif n’était pas de percer les mystères de la cognition humaine, mais de satisfaire les exigences de son principal client : l’armée. La recherche fut immédiatement dictée par les impératifs de défense, ce qui allait se révéler déterminant pour son évolution future.

    Ainsi, certains des projets initiaux inspirés par la philosophie cybernétique, comme la tentative de fabriquer des réseaux de neurones artificiels, furent rapidement réorientés vers des fins militaires. Soudains ces réseaux ne viseraient plus à démêler les intrications de la pensée mais à analyser des images aériennes pour localiser des navires ennemis ou des pétroliers. La quête ambitieuse d’une intelligence artificielle a ainsi fini par recouvrir d’un vernis de prestige scientifique des contrats militaires banals.

    Dans ce contexte, l’interdisciplinarité n’était pas de mise. L’IA était dominée par de jeunes et brillants mathématiciens ou informaticiens qui trouvaient la cybernétique trop abstraite, trop philosophique et surtout potentiellement subversive. Il faut dire qu’entre-temps Norbert Wiener s’était mis à soutenir les luttes syndicales et à critiquer l’armée, ce qui n’était pas de nature à attirer les financements du Pentagone. JPEG - 89.4 ko Laurent Millet. – De la série « Euclide », 2021 © Laurent Millet - www.laurent-millet.com - Galerie Binome, Paris

    L’intelligence artificielle, qui promettait d’« augmenter » les opérateurs humains et d’élaborer des armes autonomes, ne souffrait pas d’un tel problème d’image. Elle fut d’emblée une discipline scientifique à part. Alors que les sciences traditionnelles cherchent à comprendre le monde, en s’aidant parfois de la modélisation, les pionniers de l’IA décidèrent de construire des modèles simplifiés d’un phénomène du monde réel — l’intelligence —, puis de nous convaincre que rien ne différenciait les premiers du second. Un peu comme si des géographes renégats créaient une nouvelle discipline, le « territoire artificiel », en essayant de faire croire qu’avec les avancées de la technologie carte et territoire ne seraient bientôt plus qu’une seule et même chose.

    À de nombreux égards, la trajectoire — et la tragédie — de l’IA durant la guerre froide ressemble à celle de la science économique, en particulier américaine. L’économie aux États-Unis avait fait l’objet d’une pensée bouillonnante, plurielle, en phase avec les dynamiques du monde réel, consciente que le pouvoir et les institutions (allant des syndicats à la Réserve fédérale) avaient une influence sur la production ou la croissance. Les priorités de la guerre froide en firent une discipline obsédée par des modèles abstraits — optimisation, équilibre, théorie des jeux… — dont la pertinence dans la vraie vie n’avait qu’une importance secondaire. Même si certaines applications numériques, comme la publicité en ligne ou les services de voitures de transport avec chauffeur (VTC), s’appuient aujourd’hui sur ces constructions mathématiques, la validité ponctuelle d’une approche biaisée ne suffit pas à la racheter. Le fait est que l’économie orthodoxe moderne n’a pas grand-chose à proposer pour régler des problèmes tels que les inégalités ou le changement climatique, si ce n’est des solutions fondées sur le marché.

    L’analyse vaut aussi pour l’intelligence artificielle, qui, bien que décrite comme un triomphe technologique, est souvent un euphémisme pour militarisme ou capitalisme. Ses hérauts ont beau reconnaître la nécessité d’instaurer un minimum de contrôle et de réglementation, ils peinent à imaginer un futur dans lequel notre conception de l’intelligence ne serait pas dominée par l’IA. Dès le départ, celle-ci a moins été une science — qui se caractérise par des objectifs finaux non prédéterminés — qu’un hybride de religion et d’ingénierie. Son dessein ultime était de créer un système informatique universel capable d’accomplir tout type de tâches sans y avoir été explicitement entraîné — une décision que l’on connaît désormais sous le nom d’intelligence artificielle générale (IAG).

    Ici intervient un autre parallèle avec l’économie : durant la guerre froide, l’IAG fut envisagée de la manière dont les économistes concevaient le libre marché, c’est-à-dire comme une force autonome, autorégulatrice, à laquelle l’humanité serait bien forcée de s’adapter. D’un côté, la pensée économique escamote le rôle qu’ont joué la violence coloniale, le patriarcat et le racisme dans l’expansion du capitalisme, comme si se prolongeait naturellement l’inclination humaine « à trafiquer [et] à faire des trocs et des échanges d’une chose pour une autre » (7), selon la célèbre formule d’Adam Smith. De l’autre, le récit traditionnel des origines de l’IA reconnaît les apports de la cybernétique, des mathématiques, de la logique, mais reste muet concernant le contexte historique ou géopolitique. Comme si l’on qualifiait simplement l’eugénisme et la phrénologie de branches de la génétique et de la biologie, sans rien dire de leur dimension raciste. N’oublions pas, souligne Yarden Katz dans son remarquable essai Artificial Whiteness(7), que l’intelligence artificielle n’aurait jamais existé sans le militarisme, le corporatisme et le patriotisme exacerbé de la guerre froide.

    Un concept à ce point perverti pourra-t-il un jour être remis au service d’ambitions progressistes ? N’est-il pas aussi vain d’appeler à une « intelligence artificielle communiste » que de rêver d’ateliers clandestins à visage humain ou d’instruments de torture délicieux ?

    Les expériences de Stafford Beer et de Warren Brodey suggèrent que nous ferions mieux de renoncer au fantasme de l’intelligence artificielle socialiste et de nous concentrer sur la définition d’une politique technologique socialiste post-IA. Plutôt que d’essayer d’humaniser les produits existants en leur imaginant des applications de gauche ou en inventant de nouveaux modèles de propriété économique, nous devons ouvrir à tous, sans considération de classe, d’ethnicité ni de genre, l’accès à des institutions, infrastructures et technologies qui favorisent l’autonomie créatrice et permettent de réaliser pleinement ses capacités. En d’autres termes, nous devons amorcer la transition de l’humain augmenté à l’humain amélioré.

    Vivre dans un ballon, pas dans une bulle

    Une telle politique s’appuierait sur les composantes de l’État-providence qui sont le plus éloignées des mots d’ordre conservateurs du capitalisme : l’éducation et la culture, les bibliothèques, les universités et les diffuseurs publics. Elle ouvrirait ainsi la voie à une politique éducative et culturelle socialiste, au lieu de renforcer l’économie néolibérale comme le fait l’approche actuelle.

    Brodey comprit lui-même assez rapidement qu’il ne pouvait y avoir d’IA socialiste sans socialisme. Dès le début des années 1970, il reconnut que le contexte de la guerre froide aux États-Unis vidait de tout sens sa quête d’« amélioration humaine » et de « technologie écologique » — sans compter qu’il mettait un point d’honneur à refuser l’argent du Pentagone, et même d’institutions comme le MIT, pour marquer son opposition à la guerre du Vietnam.

    À en croire Negroponte, Brodey ne voulut en effet jamais entendre parler d’une titularisation au MIT. Le confort ne l’intéressait pas. Il préféra aller se construire une maison à base de mousse et de ballons en pleine forêt, dans le New Hampshire. Un environnement « réactif et intelligent » qui lui convenait. Mais cela allait trop loin, même pour ses admirateurs. « Tout le monde n’aspire pas à vivre dans un ballon », ironisa Negroponte à l’époque.

    La pensée de Brodey était imprégnée d’utopisme. Lui et son plus proche collègue, Avery Johnson, nourrissaient l’espoir que l’industrie américaine adopterait leur vision — des produits réactifs et interactifs propres à faire naître de nouveaux goûts et centres d’intérêt chez l’utilisateur plutôt qu’à surfer sur son désir consumériste. Mais les entreprises optèrent pour la version plus conservatrice de Negroponte, dans laquelle l’interactivité permet surtout aux machines d’identifier nos angoisses et de nous faire acheter davantage.

    En 1973, désabusé, Brodey partit s’installer en Norvège. Il y ressurgit en maoïste, membre actif du Parti communiste des travailleurs, et se rendit même en Chine afin d’échanger avec des ingénieurs à propos de son concept de « technologies réactives ». Pour un homme qui avait été étroitement impliqué dans des projets de l’armée, de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et de la CIA pendant la guerre froide, ce n’était pas un revirement anodin.

    D’après les longues conversations que j’ai pu avoir avec lui ces dix dernières années en Norvège, où il vit encore, Brodey incarne toujours à merveille le projet d’évolution ouverte qu’il défendait dans les années 1960. À l’évidence, l’amélioration de l’humain a fonctionné pour lui. Cela signifie qu’elle pourrait peut-être fonctionner pour nous tous — à condition que nous choisissions les technologies adéquates et que nous cultivions une bonne dose de scepticisme à l’égard de l’intelligence artificielle, communiste ou non.

    (Traduit de l’américain par Élise Roy.)

    Evgeny Morozov

    4
    En Turquie, des Kurdes arrêtés pour des chants militants
    www.lemonde.fr En Turquie, des Kurdes arrêtés pour des chants militants

    Alors que l’armée multiplie les attaques contre le PKK, au nord de l’Irak, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, veut faire taire toute voix critique.

    En Turquie, des Kurdes arrêtés pour des chants militants

    Ces dernières semaines, la police turque a mis un zèle tout particulier à arrêter des dizaines de Kurdes accusés d’avoir scandé des slogans ou chanté des chansons favorables au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Considéré comme terroriste par Ankara ainsi que par ses partenaires européens et américain, le PKK, adepte de la lutte armée, continue d’être adulé par de nombreux Kurdes de Turquie.

    Pour avoir partagé sur les réseaux sociaux une chanson favorable au PKK, dix-huit personnes ont été arrêtées lors d’opérations de police menées samedi 27 juillet dans plusieurs quartiers d’Istanbul. Onze d’entre elles ont été placées en détention et sept ont été relâchées sous contrôle judiciaire.

    La semaine dernière, des descentes de police ont eu lieu en marge de mariages traditionnels kurdes célébrés dans l’est du pays, dans les villes d’Agri et de Siirt notamment. Douze personnes ont été interpellées pour avoir entonné des chants favorables au parti honni, ce qui équivaut en droit turc à « soutenir une organisation terroriste ».

    Slogans jugés subversifs Un slogan indispose tout particulièrement les autorités, celui qui souhaite une « Longue vie au chef Apo ! », à savoir Abdullah Öcalan, le fondateur du PKK, qui purge actuellement sa condamnation dans l’île-prison d’Imrali, au sud de la mer de Marmara. Capturé en 1999, condamné à la pendaison puis à la prison à perpétuité pour crimes contre l’Etat turc, le vieux chef kurde, 75 ans, demeure une figure de référence pour de nombreux Kurdes, y compris au sein du Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (DEM), le seul parti prokurde légal de Turquie.

    La semaine dernière encore, neuf jeunes Kurdes qui dansaient le halay (danse en groupe) en chantant « Longue vie au chef Apo ! » sur une plage de Mersin, au sud du pays, ont été arrêtés. Dans le minibus qui les emmenait au commissariat, ils ont été contraints par les policiers à écouter très fort la chanson nationaliste Je mourrai pour toi ma Turquie. Une mesure prophylactique tellement appréciée par le ministre de l’intérieur, Ali Yerlikaya, qu’il en a partagé les images sur son compte Instagram.

    Ce n’est pas la première fois que les autorités arrêtent et jugent des Kurdes pour des slogans jugés subversifs. Pas la première fois non plus que des panneaux de signalisation en langue kurde, installés dans les villes du Sud-Est par des maires élus sous la bannière du parti DEM, sont retirés à la demande des gouverneurs. C’est ce qui s’est produit ces derniers jours à Van, à Diyarbakir, à Batman, à Dargeçit, à Nusaybin et à Mardin. A Diyarbakir, les panneaux en question ont été recouverts par le slogan « La Turquie appartient aux Turcs et restera turque. »

    La répression s’est accrue Ces dix dernières années, la répression contre la minorité kurde, qui estimée à environ 20 millions de personnes sur une population totale de 85 millions, s’est considérablement accrue, touchant avant tout ceux qui revendiquent des droits politiques et culturels. On ne compte plus les poursuites judiciaires, les condamnations, les interdictions prononcées contre des journalistes, des politiciens, des maires, des avocats, des metteurs en scène, des chanteurs, stigmatisés pour leurs opinions, leurs écrits ou leurs paroles.

    Il fut un temps où l’approche des autorités était plus conciliante envers les Kurdes, auxquels le droit d’enseigner, d’avoir des médias dans leur langue, de donner des prénoms kurdes avait fini par être concédé. A l’époque, entre 2009 et 2014, Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre, avait même lancé des négociations de paix avec le PKK. Elles volèrent en éclats en 2015, les combats ayant repris de plus belle dans le Sud-Est entre l’armée et la guérilla kurde soutenue par le PKK.

    Avant tout, le tour de vis actuel s’explique par le fait qu’Ankara ne veut pas entendre une mouche voler dans les régions kurdes de Turquie, au moment où son armée renforce ses opérations contre les combattants du PKK au nord de l’Irak. Depuis le 15 juin, plus de 230 frappes aériennes ont été menées, conduisant à la destruction de vastes zones agricoles et à l’évacuation de plusieurs dizaines de village

    0
    Venezuela : les gauches sud-américaines cherchent la sortie de crise
    www.mediapart.fr Venezuela : les gauches sud-américaines cherchent la sortie de crise

    Une grande partie de la communauté internationale continue de faire pression pour la publication des procès-verbaux de la présidentielle. Alors que les mobilisations et arrestations se poursuivent, l…

    Venezuela : les gauches sud-américaines cherchent la sortie de crise
    0
    En Cisjordanie, ne laissons pas l’Etat d’Israël instrumentaliser l’archéologie
    www.liberation.fr En Cisjordanie, ne laissons pas l’Etat d’Israël instrumentaliser l’archéologie

    Un collectif d’archéologues et d’historiens dénonce un projet qui placerait la totalité des sites archéologiques des Territoires palestiniens de Cisjordanie sous l’autorité de l’Etat hébreu.

    En Cisjordanie, ne laissons pas l’Etat d’Israël instrumentaliser l’archéologie

    Le Parlement israélien a approuvé en lecture préliminaire, le 10 juillet dernier, un projet d’amendement à sa législation qui placerait la totalité des sites archéologiques des Territoires palestiniens de Cisjordanie sous la responsabilité directe de Israel Antiquities Authority, c’est-à-dire des services archéologiques de l’Etat d’Israël. Une violation du droit international

    Ce projet suscite l’opposition des archéologues israéliens aussi bien que palestiniens. L’application en territoire occupé de la législation d’une puissance occupante par sa propre administration est une violation du droit international. En outre cet amendement s’inscrit dans une logique de colonisation. En effet, il est courant que des colonies s’implantent autour de sites archéologiques dits «juifs» (Shiloh par exemple) qui sont alors instrumentalisés en justifiant d’une présence juive historique dans ce qui est aujourd’hui la Palestine. A lire aussi

    Ainsi, à Jabal Sabih, au sud de Naplouse, où des prospections ont indiqué la présence d’un site archéologique datant de l’âge du Fer II et de l’époque perse (première moitié du premier millénaire av. J.-C.), la colonie illégale d’Evyatar a été réimplantée en 2023 avec l’accord tacite des autorités israéliennes, et a été officiellement reconnue le mois dernier. Ce processus d’annexion se développe : à Sabastiya, l’antique Samarie (Sébastè), 150 hectares avaient déjà été accaparés au-delà de la zone archéologique, et le 24 juillet 2024, l’armée a informé le maire de Sabastiya de la confiscation de 1 300 m² sur la zone archéologique, au sommet du site, pour aménager une zone militaire. Il y a urgence à réagir, car la Cisjordanie abrite plus de 7 000 sites archéologiques déjà recensés autour des villes et des villages palestiniens. Au nom du «berceau de la nation hébraïque»

    L’amendement est justifié par le fait que les régions concernées seraient «le berceau de la nation hébraïque». Cette notion même est problématique, et cette pseudo-justification qui revient à réduire le riche patrimoine archéologique de ces régions à un seul de ses aspects, en omettant l’existence de vestiges préhistoriques, cananéens, romains, byzantins, chrétiens et islamiques, et elle nie l’un des principes de la recherche historique et archéologique, qui est son caractère universel et désintéressé : le passé doit être étudié pour lui-même et non en fonction des appartenances communautaires ou nationales.

    Le préambule de l’amendement cite un extrait du Premier Livre des Maccabées (1Macc 15, 33), écrit vers 100 av. J.-C. et qui relate la révolte de la Judée contre l’Empire séleucide et les débuts du royaume hasmonéen, au IIe siècle av. J.-C. Cette citation, qui évoque «l’héritage de nos pères», conquis illicitement, puis recouvré, est en elle-même la revendication d’une continuité entre ce royaume juif de l’époque hellénistique et l’actuel Etat d’Israël. Cette revendication ne contredit pas seulement la réalité historique, elle témoigne d’une confusion entre le passé et le présent qui est contraire à la définition même de la recherche historique et archéologique.

    Ainsi, cet amendement concernant les antiquités affirme explicitement une volonté d’instrumentalisation de l’archéologie à des fins politiques et d’annexion, contre laquelle, en tant qu’archéologues et historiens, il est de notre devoir de nous dresser. C’est pourquoi nous nous associons aux protestations de la Society for Palestinian Archaeology et de Israeli Archaeological Association. Il importe de susciter un mouvement international qui puisse aboutir à un retrait de cette proposition. Signataires :

    Des membres de l’équipe L’Orient, d’Alexandre à Muhammad (OrAM, laboratoire archéologies et sciences de l’Antiquité) qui regroupe des archéologues et des historiens travaillant sur une aire géographique allant de l’Egypte à l’Asie centrale : Pierre-Marie Blanc, Jean-Claude Bessac, Thibaud Fournet, Mathilde Gelin, Michel Mouton, François Renel, Catherine Saliou, Gaëlle Tallet, François Villeneuve, Kinan al-Ali, Valentina Beretta, Valère Bombeau, Jean-François Breton, Pascale Clauss-Balty, Marie-Christine Comte, Jacqueline Dentzer-Feydy, Parsa Ghasemi, Marion Jobczyk, Bénédicte Khan, Marie Laguardia, Solène Marion de Proce, Pauline Piraud-Fournet, Gérard Thebault et Estelle Villeneuve.

    0
    Après deux mois de grève, les femmes de ménage d'un hôtel de luxe de Marseille obtiennent un accord
    www.francetvinfo.fr Après deux mois de grève, les femmes de ménage d'un hôtel de luxe de Marseille obtiennent un accord

    Elles ont notamment obtenu une revalorisation de leurs salaires, et la mise en place d'une prime de 13e mois, instaurée progressivement sur quatre ans pour toute salariée avec deux ans d'ancienneté minimum.

    La France qui gagne.

    0
    Les taxis, déçus par les JO, demandent des compensations
    • Oh qu'est-ce que c'est dans le ciel Edmond ?
    • Je ne sais pas Farid, est-ce un oiseau, un drone de surveillance piloté par algorithme?
    • Oh non, c'est un gros Fuck des pouvoirs publics qui n'a pas vocation à dépenser la perte des revenus de corporations privées qui pensaient jusqu'alors s'en mettre plein les fouilles !
  • Mélenchon/Ruffin : quelle stratégie gagnante pour la gauche ?
  • L'unité de la gauche, faut le dire vite fait, c'est comme le père noël. Ça donne illusion aux plus jeunes. Du parti de gauche au front de gauche jusqu'à LFI, je vois très bien le chemin parcouru, et les notables qui ont réussi à y faire leur trou d'ailleurs.

    Quand l'auteur mentionne son malaise sur la réjouissance de Mélenchon sur l'implantation de LFI dans les quartiers populaires suite à sa drague bien lourde sur Gaza via Rima Hassan, il se rend compte de l'invisibilité du discours d'Europe sociale tenu par Aubry (elle-même fille de politique au passage, on fait ça aussi en famille).

    Bref, Ruffin est déjà sympa d'avoir retardé son coup de gueule pour le NFP face au RN, mais je crois qu'il a enfin acté que c'était du gros foutage de gueule aussi, c'est en substance ce que dit ce texte d'ailleurs. J'espère que cet assistant se tournera vers un truc moins pourri quand il aura fini son doctorat.

  • Schopenhauer sur le nationalisme

    Extrait de https://www.schopenhauer.fr/oeuvres/fichier/aphorismes-sur-la-sagesse-dans-la-vie.pdf p.83

    1
    Il s'est passé un truc vachement bien sur Arte Radio : La Chute de Lapinville
    arteradio.com Podcast-thérapie - EP1

    Lapin, 38 ans, pervers narcissique en fin de droits, perd ses moyens de subsistance. Pour les récupérer, il va devoir montrer des efforts de réinsertion via un mystérieux programme de podcast-thérapie.

    Podcast-thérapie - EP1

    C'est un podcast humoristique qui est passé quotidiennement pour atteindre 118 épisodes (!) à raison de 5 / 8 minutes par épisode. Humour méta et cynique avec des vraies questions existentielles comme par exemple comment récupérer son Allocation Adulte Handicapé pour pervers naecissique.

    C'est réalisé par Benjamin Abitan à qui l'on doit notre Black Mirror radiophonique français, à savoir la Préhistoire du Futur. Un des mecs de radio les plus drôles du moment je trouve (et carrément sous-estimé).

    Bonnes découvertes.

    3
    Cérémonie d’ouverture des JO : Louise Michel était-elle une terroriste, comme l’affirme le sénateur LR Stéphane Le Rudulier ?
    www.liberation.fr Cérémonie d’ouverture des JO : Louise Michel était-elle une terroriste, comme l’affirme le sénateur LR Stéphane Le Rudulier ?

    La statue de Louise Michel, érigée sur la Seine lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris, n’a pas manqué de faire réagir Stéphane Le Rudulier qui avance qu’elle était une «terroriste de la pire espèce». Un qualificatif critiqué.

    Cérémonie d’ouverture des JO : Louise Michel était-elle une terroriste, comme l’affirme le sénateur LR Stéphane Le Rudulier ?
    2
    Venezuela : 4 morts et 749 arrestations lors des manifestations contre la réélection contestée de Nicolas Maduro
    www.lemonde.fr Venezuela : 4 morts et 749 arrestations lors des manifestations contre la réélection contestée de Nicolas Maduro

    Nicolas Maduro a été officiellement proclamé lundi président du Venezuela pour un troisième mandat, malgré les contestations de l’opposition et d’une partie de la communauté internationale.

    Venezuela : 4 morts et 749 arrestations lors des manifestations contre la réélection contestée de Nicolas Maduro
    3
    J’ai détesté pour vous : la salle d’escalade
    www.liberation.fr J’ai détesté pour vous : la salle d’escalade

    «Libé» a envoyé les plus rageux de ses journalistes en reportage dans leur pire cauchemar. Garanti 100 % mauvaise foi. Aujourd’hui, la grimpette sous cloche (3/6).

    J’ai détesté pour vous : la salle d’escalade

    Vous êtes accueillis par une odeur tenace de pieds et par Mattéo, hétéro déconstruit (ça se voit au vernis sur l’ongle de son annulaire gauche), qui vous tutoie direct et essaie de vous vendre de manière agressivement sympa une carte 20 entrées pour 683 euros seulement («enfin moi ça change rien pour moi mais réfléchis bien, c’est juste que c’est VACHEMENT PLUS AVANTAGEUX»). Eglantine soupèse les gourdes dans le corner qui vend du Patagonia à l’entrée et une poignée de community managers font du co-télétravailling sur des grandes tables conviviales en bois en sirotant kombucha ou bières craft selon qui est en plein mois dry. Bienvenue en enfer, autrement dit à la salle d’escalade. Episode précédent J’ai détesté pour vous : le concert des hologrammes d’Abba Musique 28 juil. 2024abonnés

    Cet endroit maléfique a fait une entrée fracassante dans ma vie il y a quelques années, au moment maudit où tous mes amis ont décidé en même temps que l’escalade indoor était leur nouvelle passion. Pour être tout à fait honnête (cet article étant 100 % garanti sans malhonnêteté intellectuelle), j’ai tout d’abord été conquise par leur enthousiasme, et je me suis imaginée moi aussi devenir une reine de la voie, traîner le samedi dans des vieux hangars réaffectés par des hipsters, les mains pleines de magnésie et les cuisses pleines de bleus. Il était certain que je ne tarderais pas à découvrir à quel point j’étais douée. Groupes bruyants

    Sauf que les choses ne se sont pas passées comme ça. A la place, j’ai découvert que le vertige contre lequel je pensais savoir lutter revenait au centuple une fois sur la paroi. Que mon corps était lourd à porter, que mon gainage était nul et que ma capacité de lecture d’une voie était proche de zéro. Mais tout ceci aurait pu être supportable, ou du moins surmontable, si je n’avais pas par la même occasion mis le doigt sur ce qui me dérangeait le plus dans ces lieux détestables : la place écrasante qu’y prennent les hommes.

    Souvent torse nu, en groupes bruyants, ils semblent régner sans partage sur les lieux, ne ratant aucune occasion pour se montrer, collant aux basques des filles seules avec tout un tas de conseils non sollicités en les dragouillant au passage. Tout cela m’a vite convaincue que l’escalade indoor, loin de la philosophie originelle d’un sport de patience et de balance pratiqué au plus près de la nature, est devenue un nouveau crossfit. Individualisme, mise en concurrence et dépassement de soi, avec en prime la promesse d’un corps fuselé. Bref, un sport de droite.

    D’aspirante grimpeuse, me voici devenue activement rageuse. Et un appel à témoignage me montre vite que ma détestation du bloc n’est pas totalement arbitraire, et que pour pas mal de meufs, l’ambiance macho a eu raison de la vocation initiale. «L’impression que tu es sur leur territoire», explique Sophie, et de se «sentir observée», ajoute Cécile. Elles sont nombreuses à raconter le mansplaining de la part de grimpeurs systématiquement persuadés d’être meilleurs. «C’est cette arrogance qui me rend folle, ce regard de supériorité», dit Hélène, qui raconte que la plupart des conseils qu’elle reçoit viennent de personnes d’un niveau inférieur. «L’impression d’être un rôti»

    Au point que certaines se découragent de grimper seules. Pauline, qui pratique depuis deux ans et a un bon niveau, a carrément dû changer de salle pour éviter de recroiser un mec qui ne la lâchait pas. Seule, elle a «l’impression d’être un rôti» : «Je suis vue comme une proie facile à accoster, c’est casse-couilles parce que je veux juste faire du sport.»

    Alors les gars, on prend la salle d’escalade pour un site de rencontres ? Il existe d’ailleurs sur les applis une situation miroir : l’escalade est devenue un prétexte pour convaincre ton plan cul potentiel de swiper à droite, avec des phrases d’accroche aussi fines que «toujours à la recherche d’une pote d’escalade pour grimper au mur et pourquoi pas aux rideaux» ou «si tu veux t’envoyer en l’air, je peux t’apprendre à escalader». Tout cela ne fait que confirmer mon intuition : la salle d’escalade est le royaume du dernier mascu beauf à la mode, c’est-à-dire celui qui fait semblant de n’être ni mascu ni beauf.

    A ce stade, assise avec mon jus de gingembre dans une salle parisienne, alors que je m’apprête à lâcher mon fiel, je suis pourtant prise du remords de la «hateuse». Ai-je jugé trop vite ? Nous sommes un mardi matin, et à cette heure-ci, la salle semble surtout fréquentée par des meufs, qui grimpent tranquillement, encouragées par leurs copines. Vu comme ça, ça n’a pas l’air si terrible. Peut-être suis-je finalement en train de me ramollir… Et puis une forte odeur de pieds me prend au nez.

    21
    Une fièvre d'ordre
    www.monde-diplomatique.fr Une fièvre d'ordre

    par François Bégaudeau (juillet 2024)

    Une fièvre d'ordre

    C'est est inédit dans l’histoire de l’art et du marketing : la semaine même de son lancement, en mars 2024, une série télé fait l’objet d’un livre collectif. Une sorte de produit dérivé, un mug Star Wars mais avec valeur symbolique ajoutée. Car cette « étude » est doublement sérieuse : d’une part, elle mobilise des intellectuels aussi éminents qu’ils sont journaliste (Anne Sinclair), conseiller en communication (Stéphane Fouks), ex-secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail ou CFDT (Laurent Berger), mairesse (Johanna Rolland), ancien premier ministre (Jean-Marc Ayrault, qui nous fait l’honneur d’une postface). D’autre part, l’instigatrice du livre est la Fondation Jean-Jaurès, think tank du Parti socialiste (PS) dont les membres et collaborateurs se relaient sans discontinuer sur les plateaux télé, ce qui est un gage d’expertise.

    En toute logique, le scénariste Éric Benzekri a placé au cœur de La Fièvre une experte qui livre des études, « études quanti » et « études quali », menées pour le compte de son cabinet de gestion de crise, et dont cette Samuelle (Nina Meurisse) tire force réflexions, dispensées à longueur de monologues et d’épisodes — La Fièvre n’est pas une série, c’est un PowerPoint.

    Qu’on ne se méprenne pas : augmenter le chiffre de la boîte et incidemment son salaire n’intéresse pas Samuelle, qu’en vain son boss exhorte à se concentrer sur les dossiers les plus lucratifs. Le souci de Samuelle, esprit désintéressé, conscience éclairée, lectrice de Stefan Zweig davantage que de Jacques Séguéla, ce n’est pas sa carrière, c’est la société. La société, Samuelle l’a dans la peau, au point de la somatiser.

    Car la société est malade, littéralement malade. Elle ne souffre pas de la paupérisation des classes inférieures, de la maltraitance des travailleurs, de l’hégémonie financière, du mal-logement, du démantèlement des protections sociales, dossiers trop terrestres pour une fiction qui plane dans les hautes sphères de la philosophie sondagière. Appréhendée ici comme un ensemble organique, comme un corps, la société est sujette à la fièvre. Samuelle est pareille au médecin héroïque qui s’expose au virus pour l’éradiquer.

    Fiévreux, le corps national se démembre. Le mal, c’est la division. « France désagrégée, France archipel », s’alarme Samuelle, reprenant le « concept » du sondeur Jérôme Fourquet, auteur d’un article dans le livre collectif susmentionné. Circularité solidaire des émetteurs de pensée dominante : Fourquet valide La Fièvre, qui valide Fourquet.

    En découle une sociologie politique strictement binaire : il y a ceux qui comme Samuelle veulent « faire société », et ceux qui veulent fragmenter la société. Ces derniers, malfaisants, malfaiteurs, on les connaît : ce sont « les extrêmes ». Or d’irréfutables chercheurs en physique ont établi que les extrêmes se rejoignent. Samuelle est donc scientifiquement fondée à renvoyer dos à dos l’influenceuse d’extrême droite Marie Kinsky et la militante décoloniale Kenza Chelbi, complices objectives dans leur volonté d’« allumer des incendies » pour, in fine, déclencher une guerre civile.

    Cette prophétie ne tient pas du délire paranoïaque. Dans l’ultime épisode de l’unique saison à ce jour, le chef de l’État en personne, joué par Kad Merad, y appose son sceau royal en posant à Samuelle une question pétrie de gravité présidentielle : « On en est où ? Avant, juste avant, ou alors ça a déjà commencé la guerre civile ? » Si notre président a peur, c’est qu’il y a matière à crainte. Et urgence à regarder la saison 2.

    « Des sanctions pour ceux qui attisent les braises des deux côtés »

    Qui s’étonne de la présence de Samuelle dans un salon de l’Élysée n’a regardé La Fièvre que d’un œil mi-fermé de salarié exsangue. Il lui a échappé que notre Aristote de la communication passe son temps avec des gens de pouvoir. Ses clients sont des banquiers en quête de bonne réputation, un patron de club de foot passionné et dandy tendance Benjamin Biolay, mais aussi, mais surtout, le ministre de l’intérieur, personnage on ne peut plus sympathique. Avec lui, Samuelle partage un diagnostic — « Le débat public est toxique, c’est radicalité contre radicalité, le ministre l’a très bien compris » —, mais aussi une préoccupation centrale, exclusive de toute autre : le maintien de l’ordre. Lorsque la communicante demande « des sanctions pour ceux qui attisent les braises des deux côtés », le « premier flic de France » la suit. Lorsqu’elle préconise un couvre-feu en Île-de-France, il s’exécute, et se satisfait trois scènes plus tard de l’efficacité de cette mesure d’exception : la nuit a été calme, fait-il savoir à Samuelle, qui esquisse alors un sourire soulagé. La banlieue se tient. La société tient.

    Samuelle ne veut pas la justice, ni l’égalité, elle veut l’ordre. Elle souhaite que rien ne change, sauf si c’est pour ressusciter la France d’antan : celle de SOS Racisme, où Benzekri s’est activé dans son jeune temps ; celle aussi des années 1990, quand Lionel Jospin gouvernait et que le peuple entonnait I Will Survive d’une seule voix. Le combat de Samuelle est un combat pour la survie — de la nation. L’enjeu est « existentiel », dit-elle, consciente ou non de reconduire un terme central de l’eschatologie zemmourienne.

    La conservation de l’existant comme finalité structurante et suffisante définit le centrisme. Samuelle est au centre de la série et du jeu politique, à équidistance de Marie et Kenza, ces deux « hystériques ». Elle pourrait contresigner les propos de son cher ministre : « Je suis le centre raisonnable devant les identitaires des deux côtés. » Il apparaît à nouveau que le centre n’est pas une position politique parmi d’autres positions, qu’il s’agirait de combattre argument contre argument, mais la seule position rationnelle, la seule position décemment possible. Tout le reste n’est que pathologie, radicalité, déviance, ressentiment. Tout le reste, c’est Marie la droitière et Kenza la gauchiste barbotant dans ce que Samuelle appelle l’« espace pulsionnel ».

    Le syntagme complet est « espace pulsionnel identitaire », par lequel l’universaliste Samuelle met dans le même sac les « identitaires des deux côtés » : décoloniaux et nationalistes, coupables à parts égales de racialiser les débats et d’ainsi saboter de l’intérieur l’idéal républicain.

    On aura reconnu deux embrouilles récurrentes de la rhétorique droitière contemporaine : 1) confusion entre racisés et racistes, entre ceux qui subissent le racisme et ceux qui le prodiguent ; 2) flou artistique soigneusement entretenu entre subir le racisme et prétendre le subir. Dans La Fièvre, nul acte raciste. La dénonciation du racisme n’engage que ceux qui la profèrent, à savoir la bande à Kenza, que ses manigances groupusculaires décrédibilisent. En somme, on est censé les croire sur parole, et le scénariste fait tout pour qu’on ne les croie pas. « Tissu de mensonges », dit Samuelle de l’enquête d’un quotidien sur le racisme au sein du foot français. En vérité elle nous le dit, raisonnable et objective, cet article exagère. Il est exagéré de dire que le racisme existe en France, patrie des droits de l’homme et des colonies civilisatrices.

    La Fièvre ne partage pas seulement avec les chroniqueurs de CNews la tutelle du groupe audiovisuel Bolloré — Canal Plus est le diffuseur. Elle reprend à son compte les trois temps de leur falsification préférée. Temps 1 : je réduis la gauche à son pan « indigène » ou « wokiste ». Cette série qui prétend prendre le pouls du pays ne mentionne ni le mouvement contre la réforme des retraites, ni l’ébullition écologiste, ni la floraison féministe. Tout ça, Benzekri ne connaît pas, ne veut pas connaître. Temps 2 : confondant habilement thermomètre et température, je présente les « indigènes » comme des producteurs de racisme. D’un trait de scénario, j’envoie l’ombrageuse Chelbi, parfois flanquée de gardes du corps sapés de cuir noir façon Black Panthers, souffler à l’oreille de Fodé — le gentil footballeur subsaharien qui ne demande qu’à taper dans le ballon loin des influences toxiques — que le coup de tête qu’il a administré à son entraîneur blanc était une réponse au racisme systémique qu’il subit. Dès lors, temps 3, je peux affirmer que la gauche est devenue identitaire — ce qui achève de justifier mon passage à droite. Encore une minute, et je suggérerai que si racisme il y a, c’est le racisme anti-Blancs. Et de fait, la seule saillie raciste narrée par la série est l’insulte dont Fodé a assorti son coup de tête : « sale toubab ».

    Et la droite ? Comparée à la raide Chelbi, la blonde vénitienne Kinsky est lumineuse, solaire. Jolie, déjà — les traits d’Ana Girardot. Talentueuse, assurément — ses performances théâtrales captivent. Courageuse, aussi, lorsqu’elle fend un troupeau de militants décoloniaux, bavant de haine jusqu’à lui cracher dessus — et que voit-on alors à l’écran sinon une Blanche molestée par des Noirs ?

    L’opposition entre Samuelle la pompière et Marie l’incendiaire qui vertèbre tout le scénario apparaît alors pour ce qu’elle est : un jeu de miroirs. Dans l’une se réfléchit l’autre. L’une comme l’autre exigent que Fodé s’excuse publiquement pour son acte que « rien ne justifie ». Un temps collaboratrices dans la boîte de com, l’une comme l’autre ont pour principale source un mur d’écrans et utilisent les réseaux sociaux pour capter et aiguiller « l’opinion » : l’une comme l’autre parlent de « l’opinion » et dépolitisent la politique en la psychologisant ; l’une comme l’autre parlent de guerre civile, et on sait qu’en politique un lexique commun vaut convergence de vues.

    Concédons que, sur le port d’armes, les deux ex-amies, et peut-être ex-amantes, divergent. Marie prône le droit à l’autodéfense, Samuelle veut maintenir aux forces de l’ordre le monopole de la violence légale, aussi certain qu’elle préfère la démocratie représentative à l’incontrôlable démocratie directe que Marie brandit comme une menace. Ce qu’à la tribune son ami ministre de l’intérieur résumera d’une formule digne d’un Clemenceau des grands soirs : « La police ou les milices. » Reste qu’entre Marie l’extrême droitière et Samuelle l’extrême centriste le désaccord est superficiel. Il tient du hiatus technique, du désaccord de gouvernance, du débat sur les moyens et non sur les fins : tous armés, ou seulement les flics. Police « citoyenne » ou professionnelle. Mais police. Désir de police. Fiévreuse pulsion de supprimer le désordre, de supprimer toute opposition politique. Toute politique.

    Il est du reste assez étrange que Benzekri, que certains témoins âgés ont connu de gauche, ait trouvé judicieux d’installer au cœur de sa série l’un des derniers débats que la réaction et la sphère médiatique acquise à ses axiomes n’ont pas osé imposer dans l’espace public français. Marine Le Pen n’a pas encore inscrit dans l’agenda la libéralisation du port d’armes ? La Fièvre le fait à sa place. Pour l’approuver ? Quand même pas. La gauche de droite n’en est tout de même pas encore là. Mais ça commence toujours comme ça. On commence par dire que l’extrême droite pose de bonnes questions et apporte de mauvaises réponses. Puis on dit qu’elle pose de bonnes questions. Puis on dit qu’il ne faut pas lui abandonner des thèmes comme la nation, la sécurité, l’immigration, qu’on s’empresse donc de porter en étendard. Puis on l’intègre à l’« arc républicain » en même temps qu’on en éjecte la gauche.

    Inventer un personnage repoussoir, en conformité à ses désirs

    Benzekri pourra toujours arguer qu’il a voulu explorer fictionnellement l’hypothèse du port d’armes généralisé afin de désamorcer cette bombe : il demeurera qu’il l’a mise à l’ordre du jour, ouvrant sur la question la « fenêtre d’Overton » (ou le champ du dicible). Son inconscient a parlé. Marie Kinski n’est pas seulement le double maléfique de Samuelle. Elle est un lapsus. Benzekri croit croquer un monstre, il profile un horizon, un débouché, une issue. Il croit inventer un personnage repoussoir, une incarnation du pire, il la façonne en conformité à ses désirs. Marie la prophétesse n’est pas un danger, elle est un recours. Elle est notre sauveuse. Ce que Benzekri croit faire : alerter contre l’extrême droite. Ce qu’il fait : appeler l’extrême droite.

    La fièvre du titre n’est pas celle de la société, c’est celle de Samuelle. C’est elle qui s’échauffe, elle qui devient folle — et du reste se réfugie parfois dans une clinique psy. Elle qui est en voie de radicalisation. Cette fausse raisonnable n’a pas contracté la fièvre à force de redouter la victoire des idées sulfureuses de Marie, mais à force de la désirer.

    « Enseignements politiques d’une série », c’est le sous-titre de l’« étude » de la Fondation Jean-Jaurès, laquelle, cumulée à maintes interviews et autres matinales de France Inter, a participé à l’exceptionnelle visibilité médiatique de La Fièvre. Et en effet la série est lourde — très lourde — d’enseignements politiques. Prétendant identifier des symptômes, elle est un parfait symptôme. Lancée trois mois avant qu’Emmanuel Macron, en un acte manqué très réussi, tente de précipiter l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national sous couvert de le combattre, elle documente à merveille les fantasmes autoritaires de notre bourgeoisie, et l’actuelle vigueur de sa vieille tentation fasciste.

    François Bégaudeau Écrivain

    1
    Alain Pellet, juriste : « La Cour internationale de justice redore le blason du droit international si malmené par ailleurs »
    www.lemonde.fr Alain Pellet, juriste : « La Cour internationale de justice redore le blason du droit international si malmené par ailleurs »

    Le juriste international se félicite, dans un entretien au « Monde », de l’avis de la CIJ déclarant « illégale » l’occupation des territoires palestiniens par Israël. Mais il s’inquiète du contraste entre l’hommage rendu en paroles au droit international et son inefficacité de plus en plus flagrante...

    Alain Pellet, juriste : « La Cour internationale de justice redore le blason du droit international si malmené par ailleurs »

    Professeur émérite à l’université Paris-Nanterre, ancien président de la commission du droit international des Nations unies, Alain Pellet a plaidé soixante-sept affaires devant la Cour internationale de justice (CIJ). Il est conseil principal de l’Autorité palestinienne dans l’affaire de l’avis consultatif sur les « conséquences juridiques découlant des politiques et des pratiques d’Israël dans les territoires palestiniens occupés, y compris à Jérusalem-Est », rendu le 19 juillet par la CIJ.

    L’organe judiciaire principal de l’ONU a estimé que « la présence continue d’Israël dans les territoires palestiniens était illégale », et que l’Etat d’Israël avait l’obligation d’y mettre fin « le plus rapidement possible ». Alain Pellet représente également le Nicaragua dans l’affaire qui l’oppose à l’Allemagne, accusée de violer le droit international humanitaire et de « faciliter la commission d’un génocide » contre le peuple palestinien en vendant des armes à Israël. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages, dont Vladimir Poutine. L’accusation (Fayard, 2023), écrit avec Robert Badinter et Bruno Cotte.

    Quelle analyse faites-vous de l’avis rendu par la CIJ ?

    Il s’agit d’un immense succès qui dépasse mes attentes. L’Autorité palestinienne a décidé de saisir la CIJ d’une demande d’avis un peu en désespoir de cause. Au départ, j’y étais opposé : l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité ont, tous les deux, condamné Israël, alors pourquoi aller demander du droit souple, non obligatoire, alors qu’on a déjà du droit dur, contraignant, qui n’est pas appliqué ? Les Palestiniens m’ont convaincu en faisant valoir qu’ils étaient victimes de la politique du deux poids-deux mesures : « On ne parle que de l’Ukraine, plus personne ne s’intéresse à nous, il faut réveiller l’opinion. »

    Finalement, l’avis est une formidable victoire, et, juridiquement, parfaitement fondé. La Cour a rappelé avec fermeté que, « du point de vue juridique, le territoire palestinien occupé constitue une seule et même entité territoriale, dont l’unité, la continuité et l’intégrité doivent être préservées et respectées », y compris Jérusalem-Est et Gaza. Israël est dans l’obligation de cesser immédiatement toute nouvelle implantation, toute nouvelle activité de colonisation et d’évacuer tous les colons. La section sur la « politique de colonisation » est dévastatrice pour Israël, et le ton de la condamnation particulièrement ferme. En revanche, les juges ont soigneusement évité de reconnaître le caractère étatique de la Palestine. Mais cela ne leur était pas demandé. Lire aussi | L’ONU considère que les colonies israéliennes relèvent du crime de guerre Le jour même, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré, dans un message publié sur X, que « la légalité de la colonisation israélienne sur tous les territoires de [leur] patrie ne peut être contestée ». Quel sera l’impact de cet avis, qui n’est pas contraignant ?

    Il ne faut pas se faire trop d’illusions sur la CIJ : ses avis ne pourront pas changer le monde. Mais ses décisions font en général l’objet d’un grand respect. Il serait assez aberrant que les Nations unies ne respectent pas l’avis de leur organe judiciaire principal. Si un projet de résolution condamnant Israël est présenté au Conseil de sécurité, les Etats l’appuyant pourront l’invoquer.

    L’avis exerce donc une pression morale ou politique sur les gouvernements respectueux de l’Etat de droit, qui peuvent difficilement faire l’impasse sur les énoncés du droit en vigueur par la plus haute juridiction mondiale. En outre, dans les pays démocratiques, les juges nationaux sont très sensibles à ce que dit la CIJ : il va être important pour eux de savoir qu’Israël ne respecte pas les principes fondamentaux du droit international, et que c’est à eux qu’il appartient de décider, en conséquence, que leur pays ne doit pas, par exemple, vendre d’armes à Israël. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés L’Allemagne accusée de « plausible » complicité dans les crimes commis à Gaza Vous jugez pourtant que l’on n’a jamais autant violé les principes de la Charte des Nations unies. Comment qualifiez-vous ce moment de l’histoire du droit international ?

    C’est un moment triste. On a l’impression que tout l’édifice du droit international construit depuis 1945 s’écroule. Ça ne veut pas dire qu’il va disparaître, parce que, au contraire, plus les tensions sont vives, plus le droit est indispensable, et plus on l’invoque, d’ailleurs. Mais des tabous, à commencer par l’interdiction du recours à la force armée dans les relations internationales ou l’intégrité territoriale des Etats, ont quand même sauté. Lire aussi la tribune | Article réservé à nos abonnés « L’ONU fait face au viol de sa propre charte »

    L’agression de l’Irak par les Etats-Unis en 2003 avait été une violation de l’ordre juridique international tout aussi grave que celle de l’Ukraine. Mais l’agression russe du 24 février 2022 a ouvert les vannes de violations en chaîne de principes fondamentaux proclamés par la Charte des Nations unies : recours à la force, remise en cause de l’intégrité territoriale des Etats, des droits fondamentaux de la personne humaine ou du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Presque plus inquiétante que l’agression russe elle-même : l’érosion progressive de la condamnation de l’agression et du soutien à l’Ukraine par de nombreux Etats du Sud global. Lire aussi la chronique | Article réservé à nos abonnés « Après s’être concentré sur le soutien occidental, Kiev doit désormais plaider sa cause auprès du Sud global »

    Il y a un contraste entre l’hommage rendu en paroles au droit international et son inefficacité de plus en plus flagrante, dont le président russe, Vladimir Poutine, a administré la preuve. Certes, on peut recourir à la CIJ, mais le grand problème est que ce n’est possible que contre des Etats qui ont consenti à reconnaître sa compétence. Des Etats comme la Russie, les Etats-Unis ou Israël n’acceptent pratiquement aucune juridiction internationale.

    Quel peut être l’impact de la CIJ à l’égard de ceux qui violent le plus le droit international à l’abri de leur refus d’accepter sa compétence ?

    En 2022, la CIJ a envoyé un message fort à Moscou en demandant à la Fédération de Russie de « suspendre immédiatement les opérations militaires qu’elle a commencées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine ». Le vote était écrasant : treize voix contre deux (les juges russe et chinois ont voté contre). Cela est resté sans effet. C’est que, même s’il est un instrument indispensable à la coexistence entre les Etats, le droit n’a pas de dents, il ne mord pas.

    Pensez-vous que l’ordre juridique international issu de l’après-guerre est menacé ?

    Compte tenu de ses fonctions irremplaçables dans une société d’Etats souverains, il n’est pas mort et ne peut mourir. Mais la volonté de Vladimir Poutine et du président chinois, Xi Jinping, de le mettre à bas me paraît absolument évidente. La Chine passe son temps à violer le droit international alors que c’est elle, deuxième puissance mondiale, qui aura le plus d’influence sur la formation du droit international de demain si les démocraties perdent du terrain. Le droit est fils de la politique. Il est, selon une formule célèbre, « une politique qui a réussi ». Il y a quelques années, on pouvait croire que l’idée de communauté internationale allait progressivement l’emporter sur le souverainisme. Mais il est en train de regagner le terrain perdu depuis la chute du mur de Berlin [en 1989].

    Si des pays qui contestent l’ordre juridique international issu de l’après-guerre arrivent à leurs fins, le droit international changera dans leur sens : il deviendra de plus en plus souverainiste, exaltant la souveraineté des Etats dans le sens le plus négatif, absolu, qu’on peut lui donner. Il faut continuer à défendre les principes du droit international et utiliser les leviers offerts par la justice internationale.

    Mais je suis assez pessimiste. Le droit recule de manière générale. Donald Trump ne cache pas son mépris des lois américaines et du droit international. S’il revient au pouvoir, on peut s’attendre au pire : dénonciation illicite des traités conclus par les Etats-Unis, remise en cause du financement des organisations internationales dont ils sont membres, mépris total des droits des étrangers, à commencer par les migrants… C’est à l’intérieur des Etats que se jouent les grandes batailles, plus qu’au niveau international. Ce sont les démocraties qui feront perdurer l’ordre juridique de 1945 – ou pas… » Pourtant, le Nicaragua, dictature accusée par un rapport de l’ONU de 2023 de crime contre l’humanité, s’empare de ce système pour accuser l’Allemagne de « faciliter la commission d’un génocide » en vendant des armes à Israël…

    Après une contestation radicale du droit international dans les années 1960, les Etats du Sud décolonisés ont compris qu’ils pouvaient l’utiliser à leur avantage. Ils opposent leur souveraineté aux ingérences extérieures, voire en utilisant certains mécanismes.

    Dans cette affaire, le Nicaragua utilise la philosophie des droits de l’homme et les normes protectrices des droits humains à la fois, sans doute pour défier ses détracteurs et pour se poser en champion du Sud global. En outre, il a une grande pratique de la CIJ, devant laquelle il a été partie dans quatorze affaires depuis 1983. Le Nicaragua avait alors gagné contre les Etats-Unis de Reagan, qui soutenaient la contre-révolution antidémocratique, bombardaient ses aéroports et bloquaient ses ports… Son histoire montre aussi que le droit peut être une arme du faible contre le fort en pacifiant les rapports de force. C’est devenu pour lui un instrument de sa politique étrangère.

    D’une certaine manière, la demande d’avis formulée à la demande de l’Autorité palestinienne est une autre illustration de l’utilisation par les pays du Sud des principes du droit international. L’attaque terroriste du Hamas puis l’insupportable riposte israélienne ont affaibli la confiance dans le droit international. Les pays occidentaux, qui s’étaient aveuglément rangés aux côtés d’Israël, ont progressivement – quoique inégalement – rééquilibré leurs positions. Mais ils ne sont pas parvenus à dissiper l’impression de « deux poids-deux mesures » dans l’interprétation et l’application des principes du droit international. La Cour redore le blason du droit international si malmené par ailleurs. Clairement, le 19 juillet est un grand jour pour le droit international et apporte une lueur d’espoir et de réconfort dans ce contexte bien sombre.

    Valentine Faure

    3
    Depuis la loi « antisquat », « les expulsions de locataires sont devenues plus rapides et plus nombreuses »
    www.lemonde.fr Depuis la loi « antisquat », « les expulsions de locataires sont devenues plus rapides et plus nombreuses »

    Un an après la promulgation de la très critiquée loi contre l’occupation illicite des logements, juges, avocats et associations de lutte contre le mal-logement dénoncent toujours un texte déséquilibré.

    Depuis la loi « antisquat », « les expulsions de locataires sont devenues plus rapides et plus nombreuses »

    Quel premier bilan dresser de la loi du 27 juillet 2023 contre l’occupation illicite des logements, dite loi « antisquat », après un an d’application ? Le texte avait suscité de nombreuses critiques, dès qu’il fut proposé par les députés Renaissance Guillaume Kasbarian et Aurore Bergé, entrés au gouvernement depuis.

    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La proposition de loi « antisquat », censée protéger les propriétaires contre l’occupation illicite, votée par les députés

    Ajouter à vos sélections

    Son objectif affiché était de défendre les petits propriétaires contre les impayés de loyer et contre le squat, quand bien même la moitié du parc loué est détenue par des propriétaires d’au moins cinq logements, selon une étude de l’Insee. Les associations de locataires et de lutte contre le mal-logement mais aussi la Défenseure des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et les rapporteurs spéciaux de l’ONU avaient dénoncé un texte déséquilibré, trop défavorable aux locataires et aux squatteurs.

    Pour Christophe Demerson, qui a longtemps présidé l’Union nationale des propriétaires immobiliers et dirige maintenant son magazine, « cette loi a un peu rassuré les propriétaires bailleurs, même si la décision du Conseil constitutionnel a brouillé le message », dit-il en écho à la censure, par les Sages, d’un article qui exonérait le propriétaire de son obligation d’entretenir un logement squatté et de sa responsabilité en cas de dommage à un tiers dû à un défaut d’entretien. « J’ai l’impression qu’on voit moins de modes d’emploi du squat en ligne », salue-t-il également.

    « Situations surréalistes » Le constat que dresse Thibaut Spriet, secrétaire national du Syndicat de la magistrature, concernant les impayés de loyers, est en revanche négatif. « Il y a de plus en plus de procédures lancées pour de petites dettes, et les possibilités et les délais pour trouver des solutions ont été considérablement réduits ». Avec la nouvelle loi, le juge n’est plus en mesure d’accorder d’office des délais de paiement à un locataire. Il est requis que celui-ci en fasse la demande – or, la plupart des locataires ne sont pas au courant et ne sont pas présents à l’audience – et qu’il ait repris « le paiement du loyer courant ». De plus, ces délais de paiement ont été ramenés de trois ans à un an maximum.

    L’imprécision du texte lui vaut d’être diversement interprété : certains juges demandent que ce « loyer courant » inclue les charges et les aides au logement, même si la CAF a parfois suspendu le versement de ces dernières. L’avocate Anne Caillet, qui défend beaucoup de locataires de Seine-Saint-Denis, rapporte « des situations surréalistes, telle cette mère d’un très jeune enfant, expulsée pour une dette de 1 500 euros, alors qu’elle avait réglé son dernier loyer, hormis 20 euros de charges ».

    Autre grief : les délais sont accordés en fonction de la « bonne foi » du locataire. « L’un de ceux que nous accompagnons a été considéré de mauvaise foi parce qu’il avait réussi à régler deux loyers avant l’audience, ce qui était censé montrer qu’il avait les moyens d’éviter les impayés », a témoigné Marianne Yvon, responsable de l’Espace solidarité habitat de la Fondation Abbé-Pierre, à Paris, lors d’une conférence de presse, le 4 juin.

    Une menace d’amende qui pèse très lourd Un des aspects très contestés de la loi a été la création d’une sanction pénale, sous la forme d’une amende de 7 500 euros, à l’encontre des locataires qui se maintiennent dans les lieux à l’issue des délais fixés par la procédure d’expulsion. Les observateurs n’ont pas connaissance de propriétaires ayant lancé de telles poursuites. « Mais cette menace d’amende, assortie d’une inscription au casier judiciaire, pèse très lourdement, surtout pour les locataires qui ne pourraient pas renouveler leur titre de séjour s’ils étaient ainsi condamnés », selon Marianne Yvon.

    Quant aux quelques mesures visant à améliorer la prévention des expulsions, elles dépendent en partie de décrets d’application que le gouvernement n’a pas encore publiés. « C’est notamment le cas d’une disposition donnant aux commissaires de justice [ex-huissiers de justice] un rôle social, par la collecte d’informations auprès des locataires auxquels ils remettent un commandement de payer », souligne Benoît Santoire, président de la Chambre nationale des commissaires de justice.

    Me Caillet résume le sentiment général : « Les décisions d’expulsions sont devenues plus rapides, et plus nombreuses. » Une impression qui ne peut toutefois pas être corroborée par le ministère de la justice, puisqu’il a cessé de décompter ces décisions après 2019. Le seul chiffre connu est celui des expulsions forcées – quand le propriétaire a demandé et obtenu le concours de la force publique, si le locataire n’est pas parti de lui-même à l’issue de la procédure.

    En 2023, 21 500 ménages ont été expulsés, en hausse de 23 % en un an, mais c’est le chiffre de 2024 qui permettra de vraiment mesurer l’impact de la nouvelle loi : du fait de l’engorgement des tribunaux, « il faut compter 5 à 18 mois pour obtenir une décision du juge », relève en effet Benoît Santoire. Me Caillet s’attend à une forte progression en Seine-Saint-Denis : « Le préfet accorde parfois en quelques jours le concours de la force publique, alors qu’il faut attendre plusieurs mois avant d’obtenir une audience pour demander un délai avant de quitter les lieux. » Et ce délai ne peut excéder un an, au lieu de trois ans précédemment.

    Peines multipliées par trois La répression des squats s’est elle aussi intensifiée, selon l’avocat Matteo Bonaglia, qui cite l’exemple d’« une dame de 72 ans, laissée avec tous ses meubles sur le trottoir ». Il ne s’en étonne pas : « C’est parce que la loi Kasbarian-Bergé augmente mécaniquement les expulsions, et donc le nombre de ménages susceptibles de se tourner vers le squat faute de logements abordables et d’hébergements d’urgence, qu’elle comporte aussi un important volet antisquat. »

    Les peines ont été multipliées par trois, pour atteindre jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende en cas de squat de domicile. Le nombre de procédures engagées au pénal pour maintien dans les lieux à la suite d’une violation de domicile a progressé de 25 % depuis l’entrée en vigueur de la loi : il est passé de 299 sur la période août-décembre 2022 à 374 sur la période août-décembre 2023, selon les chiffres communiqués au Monde par le ministère de la justice. Idem pour les condamnations, passées de 83 à 104.

    La nouvelle loi a aussi facilité les expulsions de squats, au point que le passage devant un juge judiciaire est devenu « rarissime », selon Matteo Bonaglia. Il est maintenant possible de demander au préfet une expulsion forcée accélérée, sous sept jours, pour le squat de tout local d’habitation, même inhabité, alors que cela n’était auparavant possible, sous 48 heures, que pour le squat d’un domicile (depuis 2007) ou d’une résidence secondaire ou occasionnelle (depuis 2020). De plus, le squat de tout local à usage d’habitation, ou à usage commercial, agricole ou professionnel, « c’est-à-dire le squat de la quasi-totalité des bâtiments », décrypte Me Bonaglia, est devenu passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende, alors que seule la violation de domicile était jusqu’ici considérée comme un délit.

    « Les forces de l’ordre interviennent désormais sur la base de ce nouveau délit, placent les occupants en garde à vue et restituent dans le même temps le bâtiment au propriétaire, ce qui constitue une expulsion de fait, illégale selon moi aussi longtemps que l’infraction n’est pas caractérisée », décrit l’avocat. Dans ce cas de figure, comme lors d’une expulsion forcée accélérée, le propriétaire évite une procédure contradictoire devant un juge judiciaire, qui aurait pu accorder un délai avant l’expulsion et/ou le bénéfice de la trêve hivernale. Cela confirme, selon Matteo Bonaglia, que « l’esprit qui anime cette loi est celui d’une protection absolue de la propriété privée et de la rente locative, au préjudice des plus vulnérables ».

    40
    Présidentielle au Venezuela : le Conseil électoral annonce la réélection de Nicolas Maduro, l’opposition craint des fraudes
    www.lemonde.fr Présidentielle au Venezuela : le Conseil électoral annonce la réélection de Nicolas Maduro, l’opposition craint des fraudes

    Le président sortant aurait obtenu 51,20 % des suffrages. L’annonce s’est produite alors que l’opposition célébrait déjà la victoire de son candidat, Edmundo Gonzalez Urrutia, qu’elle jugeait certaine.

    Présidentielle au Venezuela : le Conseil électoral annonce la réélection de Nicolas Maduro, l’opposition craint des fraudes
    2
    Venezuela : les bureaux de vote ont ouvert pour une élection présidentielle sous haute tension
    www.francetvinfo.fr Venezuela : les bureaux de vote ont ouvert pour une élection présidentielle sous haute tension

    Quelque 21 des 30 millions de Vénézuéliens sont appelés aux urnes, dimanche. Le scrutin oppose le sortant Nicolas Maduro, qui a évoqué un possible "bain de sang", au candidat du "changement" Edmundo Gonzalez Urrutia.

    3
    Le «Project 2025», une feuille de route trumpiste pour dynamiter la démocratie américaine
    www.liberation.fr Le «Project 2025», une feuille de route trumpiste pour dynamiter la démocratie américaine

    Taillé sur mesure pour Trump par un think-tank ultraconservateur, ce plan d’action vise une transformation radicale du mode de gouvernance des Etats-Unis, pour la mise en place autoritaire de nombreuses mesures réactionnaires.

    Le «Project 2025», une feuille de route trumpiste pour dynamiter la démocratie américaine

    Taillé sur mesure pour Donald Trump par un think tank ultraconservateur, ce plan d’action vise une transformation radicale du mode de gouvernance des Etats-Unis pour mettre en place de manière autoritaire de nombreuses mesures réactionnaires. Des milliers de partisans ont déjà été identifiés et formés pour occuper des postes clés dans l’administration.

    «Project twenty twenty-five» : ces trois mots reviennent en boucle, depuis plusieurs mois – et avec une intensité redoublée depuis quelques semaines – dans la bouche des représentants du Parti démocrate et de nombreux acteurs de la société civile opposés au retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Le 9 juillet, Joe Biden, alors encore candidat à sa réélection, s’était lui-même fendu d’un bref tweet sibyllin : «Google Project 2025» («cherchez Project 2025 sur le moteur de recherche Google»). De fait, il y a de quoi mobiliser l’attention des électeurs étasuniens. Projet ultralibéral, ultraconservateur, xénophobe, climatodénialiste

    Le Project 2025, ou «projet de transition présidentielle», est un programme politique visant à transformer en profondeur les structures de gouvernance fédérales étasuniennes, avec la mise en place d’une administration autoritaire et radicale, et une complète mainmise du Président sur le pouvoir exécutif. Au service d’un projet économiquement ultralibéral, socialement ultraconservateur et protectionniste, farouchement opposé aux droits des femmes, xénophobe, et résolument climatodénialiste.

    Le projet – déjà évoqué fin 2023 dans cet article de Libération – a été élaboré sous l’égide d’un think tank («cercle de réflexion») ultra-conservateur très influent, l’Heritage Foundation. L’organisme publie régulièrement, depuis 1981, des recueils de préconisations politiques à destination des présidents républicains, sous le nom de «Mandate for Leadership». La politique reaganienne fut ainsi fortement influencée par les recommandations de l’Heritage Foundation. En 2018, la fondation s’était réjouie de voir que près des deux tiers de ses plus récentes propositions avaient été retenues par Trump pour son mandat. La perspective de la réélection en 2024 de ce candidat a été l’occasion, pour l’organisme, de voir les choses en beaucoup plus grand. En ne se limitant plus à proposer au Président une liste de mesures radicales assortie d’un argumentaire idéologique, mais en mettant sur pied un plan d’action complet garantissant que celles-ci soient mises en œuvre sans délai ni atermoiement. Selon l’Heritage Foundation, «plus de 50 groupes issus de l’ensemble du mouvement conservateur» ont contribué à l’élaboration de ce programme. Edito

    En avril 2022, lors d’un dîner de l’Heritage Fondation, Trump saluait le travail «incroyable» qui était mené à son intention : «C’est un groupe formidable, qui va préparer le terrain et élaborer des plans détaillés sur ce que notre mouvement fera […] lorsque le peuple américain nous donnera un mandat colossal pour sauver l’Amérique.» Mais après les récents coups de projecteur donnés au fameux «projet de transition présidentiel», Trump a fait mine de prendre ses distances avec le think tank. Le 5 juillet, sur son réseau Truth Social, il affirmait ainsi «ne rien savoir» du projet : «Je n’ai aucune idée de qui se cache derrière ce projet. Je ne suis pas d’accord avec certaines des choses qu’ils disent et certaines des choses qu’ils disent sont absolument ridicules. Quoi qu’ils fassent, je leur souhaite bonne chance, mais je n’ai rien à voir avec eux.»

    Libre à chacun de croire le chef de file du mouvement Maga (Make America Great Again) sur parole, et de ne pas relever que le responsable de la coordination du projet, de même que de très nombreux contributeurs du «Mandate for Leadership» 2025 sont d’anciens collaborateurs de Trump. Parmi ceux qui ont pris la plume, Russell Vought, son ex-directeur du Bureau de la gestion et du budget, qui se trouve par ailleurs être… directeur du programme politique du Parti républicain pour 2024. Plus généralement, au moins 140 membres de l’administration Trump et proches conseillers seraient liés au Project 2025, selon un décompte de CNN. Interprétation radicale de la Constitution des Etats-Unis

    Selon les concepteurs du Project 2025, celui-ci repose sur «quatre piliers». Le premier est donc constitué par les 900 pages du Mandate for Leadership, qui dresse non seulement une liste de réformes à mettre en œuvre mais aussi, et surtout, la stratégie envisagée pour permettre de les appliquer. Un deuxième pilier du projet – supposément en cours d’élaboration – consiste en une feuille de route détaillée des actions à entreprendre durant les 180 premiers jours de la présidence, pour s’assurer que rien ne vienne entraver la mise en œuvre du programme.

    Pour mener à bien leur projet politique, les coordinateurs du Project 2025 s’appuieront sur une interprétation radicale de la Constitution des Etats-Unis – la «théorie de l’exécutif unitaire» – qui veut que l’essentiel du pouvoir exécutif soit centralisé dans les mains du seul président. Un chapitre, signé par Russel Vought lui-même, l’explique sans détour : «La tâche du président conservateur est de limiter, contrôler et diriger le pouvoir exécutif au nom du peuple américain.» Ce pouvoir exécutif, précise-t-il, doit «rédiger la politique fédérale, l’appliquer et juger si […] elle est correctement mise en œuvre». En pratique, c’est l’ensemble de la bureaucratie fédérale – y compris le département de la Justice – qui serait placé sous le contrôle direct de Donald Trump. Les programmes politiques les plus divers seraient mis en œuvre sur la seule initiative du Président, par un recours généralisé aux décrets présidentiels. Dans une enquête publiée fin 2023, le Washington Post a révélé que l’équipe du Project 2025 travaille d’ores et déjà à la rédaction de ces décrets.

    Les coordinateurs du Project 2025 ont, bien évidemment, anticipé l’éventualité de fonctionnaires réfractaires à ce coup de force démocratique. Ils déplorent d’ailleurs, dans les pages de leur pensum ultraconservateur, que le premier mandat de Donald Trump ait dû composer avec un personnel administratif en grande partie constitué de «carriéristes» et «de personnes nommées par Obama». Ils invitent donc à remplacer, aussitôt que possible, l’ensemble des fonctionnaires situés aux postes clés par des personnes entièrement dévouées au président républicain.

    Trump n’aura pas à les chercher bien loin, grâce aux troisième et quatrième «piliers» du Project 2025. En effet, ses coordinateurs recueillent ouvertement depuis plusieurs mois les candidatures de tous les volontaires à ce grand jeu de chaises musicales. Ils ont, en outre, mis sur pied une «Académie d’administration présidentielle», consistant en un «programme éducatif et de développement des compétences» en ligne à l’intention de toute personne désireuse «de servir le prochain président conservateur».

    Un volet «ressources humaines» central à la bonne marche du plan, qui doit beaucoup au fait que le directeur du Project 2025 n’est autre que Paul Dans – l’ex-chef de cabinet du Bureau de gestion du personnel lors du mandat Trump. Il revendique avoir, par le passé, coordonné le recrutement des 4 000 fonctionnaires pour le Bureau du personnel présidentiel de la Maison Blanche. Et n’ignore pas qu’il faudra disposer d’un contingent plus nombreux, mais aussi assurément loyal, pour rendre l’Amérique «great again». L’Heritage Fondation assure d’ores et déjà compter dans la base du Project 10 000 personnes prêtes à le mettre en œuvre, et espère en disposer du double d’ici la fin de l’année. A noter que, sur le même modèle, mais côté justice, un groupe distinct de l’Heritage Fondation, le «Projet Article 3» (dirigé par un très proche de Trump, Mike Davis) travaille depuis plusieurs années à «identifier, former et mettre en place» des juges ultra-conservateurs aux plus hauts postes – revendiquant avoir notamment permis la prise de poste de trois membres de la Cour suprême (Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh, et Amy Coney Barrett), 55 juges fédéraux et 13 juges des cours d’appel. «Nous allons mettre les enfants dans des cages. Ce sera glorieux»

    Les rênes du pouvoir dans la main d’un seul homme, avec une armada d’exécutants dévoués, le programme politique idéal de l’Heritage Foundation est prêt à être déroulé.

    Le Mandate for Leadership ambitionne de réduire fortement l’influence de l’Etat sur divers aspects de la vie publique. La suppression définitive de milliers de postes de fonctionnaires est planifiée. Egalement parmi les propositions phares : la suppression du département de l’Education. Ce qui n’empêche pas un contrôle du contenu des manuels : les programmes scolaires devront faire disparaître les mentions à la diversité, à l’égalité des genres, ou à la contraception.

    Il appelle également à réduire drastiquement les programmes sociaux, y compris la Sécurité sociale et l’Obamacare, le Head Start (aide aux enfants jusqu’à 5 ans), et certains dispositifs comme le plafonnement des prix de quelques médicaments essentiels, tels que l’insuline.

    Un volet important du programme concerne «la restauration de la famille en tant que pièce maîtresse de la vie américaine» avec, au menu, d’importantes restrictions portées sur les ventes de pilules abortives, et le déploiement de politiques anti-avortement radicales.

    Du côté des politiques environnementales, le programme enjoint le Président à retirer les Etats-Unis de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ainsi que de l’accord de Paris. Il propose également d’autoriser largement l’exploration et le forage gazier et pétrolier dans les zones appartenant ou contrôlées par l’Etat. Diverses structures étatiques liées à la protection de l’environnement doivent également être démantelées. Les financements fédéraux pour la recherche sur les énergies renouvelables seront interrompus.

    Le programme encourage aussi le recours à l’armée et la garde nationale pour des «opérations internes» d’expulsion massive d’immigrants, ainsi que l’abrogation des lois protégeant les mineurs immigrants. Une perspective qui met, d’avance, des étoiles dans les yeux de Mike Davis (cheville ouvrière du Project Article 3, évoqué plus haut) qui, au micro d’un podcast conservateur, se rêvait «procureur général par intérim» lors des trois premières semaines de l’administration Trump «Nous allons déporter. Nous allons expulser beaucoup de gens, 10 millions de personnes, des bébés, leurs parents, leurs grands-parents. Nous allons mettre les enfants dans des cages. Ce sera glorieux.» A cette occasion, le même Davis avait expliqué que les premières tâches de l’administration consisteraient «à virer beaucoup de gens de l’exécutif, de l’Etat profond», inculper les membres de la famille Biden, et «à faire bénéficier d’une grâce présidentielle» l’ensemble des personnes ayant pris part à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Ce que Donald Trump a, d’ailleurs, déjà lui-même promis.

    Selon l’enquête du Washington Post parue fin 2023, l’un des décrets préparés par l’équipe du Project 2025 viserait à autoriser le déploiement de l’armée à l’intérieur du pays, en vertu de la loi sur l’insurrection de 1871, pour réprimer des manifestations.

    Notons enfin que Donald Trump, qui affirme être victime de l’instrumentalisation politique du département de la Justice et du FBI par Biden, avait déclaré début novembre qu’il ne se priverait pas de faire de même contre ses opposants politiques. «Personne ne serait en sécurité dans ce pays»

    Selon la Democracy Forward Foundation, organisation étasunienne non partisane à but non lucratif de recherche sur les politiques publiques, le Project 2025 compte parmi «les menaces les plus profondes pour le peuple américain», renverserait «des décennies de progrès en matière de droits civiques» et «redéfinirait le mode de fonctionnement» de la société.

    Selon Donald Ayer, ancien procureur général adjoint sous George W. Bush, cité par le Guardian, «le Project 2025 semble contenir toute une série d’idées conçues pour permettre à Donald Trump de fonctionner comme un dictateur, en éviscérant complètement un grand nombre des contraintes intégrées dans notre système. Il veut vraiment détruire toute notion d’Etat de droit dans ce pays. Les rapports sur le projet 2025 de Donald Trump suggèrent qu’il se prépare à faire un tas de choses totalement contraires aux valeurs fondamentales qui ont toujours été les nôtres. Si M. Trump devait être élu et mettre en œuvre certaines des idées qu’il envisage apparemment, personne ne serait en sécurité dans ce pays».

    Et l’on peut, sans guère forcer l’imagination, noircir encore le tableau. Rappelons qu’en août 2023, Donald Trump a été inculpé pour avoir tenté d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020, notamment en exerçant des pressions pour faire annuler le décompte des votes, ou en demandant à son vice-président de refuser de valider l’élection de Biden, au Capitole, le 6 janvier 2021. Une enquête parlementaire a reconnu une «tentative de coup d’Etat», «encouragée» par Trump. Avec une mainmise sur l’exécutif, une armada de fonctionnaires et de juges entièrement dévoués à servir non pas les Etats-Unis, mais sa personne, il est fort à parier que ce qui n’est resté qu’une tentative aurait alors abouti. Ce qui ouvre des perspectives, à long terme, pour pérenniser le régime rêvé par l’Heritage Foundation bien au-delà d’un mandat trumpiste.

    «Nous sommes en train de reprendre possession de ce pays», résumait début juillet le président de l’Heritage Foundation, Kevin Roberts, sur le podcast de Steve Bannon, ancien conseiller spécial de Donald Trump). Et de poursuivre : «La seconde révolution américaine est en cours, qui demeurera sans effusion de sang, si la gauche le permet.»

    10
    En Pologne, les forces de l’ordre peuvent désormais utiliser leurs armes en toute impunité
    www.liberation.fr En Pologne, les forces de l’ordre peuvent désormais utiliser leurs armes en toute impunité

    Les députés polonais ont adopté, ce vendredi 26 juillet, une loi permettant aux policiers, gardes-frontières et militaires de faire feu sans avoir à rendre de compte, en cas de menace à la sécurité d’un individu ou du pays.

    En Pologne, les forces de l’ordre peuvent désormais utiliser leurs armes en toute impunité
    6
    Pour le sport, contre le CIO
    www.mediapart.fr Pour le sport, contre le CIO

    Pour organiser les Jeux de Paris, la puissance publique s’est mise à genoux devant les exigences du Comité international olympique. Une organisation clanique qui impose son modèle et s’enrichit sans …

    Pour le sport, contre le CIO

    « Le CIO est-il une mafia ? » Cette question tranchante a été posée une fois par France Inter. Pour une réponse tout aussi cinglante : « Oui », à une très large majorité des auditeurs et auditrices. C’était en juillet 2008, à la veille de l’ouverture des Jeux de Pékin, alors que le Comité international olympique (CIO) venait de réussir, par le seul pouvoir de l’argent, à écraser toutes les contestations et appels au boycott pour continuer de faire prospérer son business model.

    Quatre olympiades plus tard, voilà l’organisation sportive la plus puissante du monde installée à Paris. Avec le chef de la « mafia » – selon l’avis des auditeurs de France Inter – Thomas Bach, qui n’était « que » numéro 2 à Pékin en 2008, attendu en majesté pour la cérémonie d’ouverture sur la Seine, vendredi 26 juillet. C’est ensuite lui qui présidera les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) ; pas les représentants des pouvoirs publics français, réduits au rang de simples exécutants et financeurs.

    Car, bien qu’on ait tendance à l’oublier au regard des moyens considérables engagés par la puissance publique ainsi que du niveau de coercition exceptionnel qu’impose à la population la tenue de cette compétition, les Jeux olympiques (JO) de Paris sont un événement privé, dont l’objectif premier est d’enrichir une compagnie au fonctionnement clanique, opaque et inégalitaire.

    Cette structure, le Comité international olympique, qui a signé le contrat de ville hôte et délégué l’opérationnel au comité d’organisation de Paris 2024, est une association de droit privé suisse depuis 1984. Elle a pour ambition, gravée dans sa Charte olympique, de « bâtir un monde meilleur par le sport ». Pourtant, ses méthodes et résultats répondent plus à ceux d’une multinationale du spectacle qu’à l’« organisation à but non lucratif » qu’elle prétend être. Installé à Lausanne, comme près de quarante fédérations sportives internationales, le CIO bénéficie d’exonérations fiscales et n’a aucune obligation de publication de ses comptes détaillés.

    Dans les grandes lignes, on sait que sur l’olympiade 2013-2016, il a empoché 5,7 milliards d’euros de revenus (principalement des sponsors et diffuseurs) ; 7,6 milliards pour la période suivante de 2017-2021. Selon sa communication, « 90 % » de cette somme seraient réinvestis dans le Mouvement olympique, dont le CIO revendique être la tête de pont, pour financer des projets sportifs à travers le monde.

    Mais aucune information ne permet de retracer précisément l’argent distribué. Au CIO, tout est opaque : les contrats, les flux, les décisions. Même les archives ne sont pas toujours accessibles aux historiens. À peine apprend-on, à la lecture des rapports d’activité de l’organisation, que son président Thomas Bach, bien qu’officiellement « bénévole », a touché en 2023 une « indemnité » de fonction de 275 000 euros. Cette information figure en tout petit, au fond du dernier document rendu public, le 23 juillet, à l’occasion de la 142e session du CIO, à Paris.

    Tous les autres membres « bénévoles » de la structure (au nombre de 111), mais aussi les membres honoraires (38), touchent quant à eux une « aide administrative annuelle » de 7 000 dollars par an. À quoi il convient d’ajouter une « indemnité journalière » de 450 dollars pour toute participation à un événement ou une réunion (le double pour les présidents de commission).

    Pour les Jeux, ce forfait est aussi versé un jour avant et après la compétition « afin de couvrir le temps consacré au voyage ». Selon cette règle, chaque membre du CIO présent à Paris pour les Jeux olympiques (17 jours + 2 de voyage) puis paralympiques (12 jours + 2) va toucher au bas mot 14 850 dollars sur la période. Les officiels bénéficient aussi d’une prise en charge du transport et de l’hébergement (le CIO a pris ses quartiers dans un luxueux hôtel derrière les Champs-Élysées), et de l’accès aux compétitions. Sans compter les réceptions. Jeudi 25 juillet, à la veille de la cérémonie d’ouverture, ils ont été conviés à un prestigieux dîner de gala, élaboré par le chef multi-étoilé Alain Ducasse (un proche d’Emmanuel Macron) au cœur du musée du Louvre.

    Ce traitement tranche avec la situation dans laquelle évoluent la plupart des athlètes olympiques, véritables acteurs de l’événement. Lesquels, même dans les pays les plus riches comme la France, ont parfois été contraints d’organiser des cagnottes en ligne pour couvrir leurs dépenses.

    « Les accords de diffusion et de sponsoring des Jeux d’été et d’hiver rapportent chaque année des milliards au CIO et à ses affiliés. Mais le temps que ce flot d’argent traverse le Mouvement olympique et parvienne aux athlètes, il ne reste plus qu’un filet, souvent quelques milliers de dollars tout au plus », résumait le journaliste Will Hobson, dans une enquête sur la condition des athlètes américains, même parmi les meilleurs de leur discipline, publiée dans le Washington Post en juillet 2016, à la veille de l’ouverture des Jeux olympiques de Rio. Rien n’a vraiment changé depuis, renforçant l’image décrite par Will Hobson « d’une industrie du divertissement multimilliardaire dont les artistes sont souvent censés augmenter leurs propres revenus ou vivre dans la pauvreté ».

    À Paris, cette industrie pourra aussi profiter de la participation (totalement bénévole, celle-là) des 45 000 volontaires déployé·es sur les compétitions, lesquel·les n’ont même pas le droit à une aide pour un hébergement. Parmi eux, Gabin, 18 ans, qui a été contraint d’organiser une cagnotte Leetchi pour payer sa venue depuis le Pas-de-Calais, comme l’a rapporté L’Avenir de l’Artois. Comme si cela ne suffisait pas, les dépenses sont aussi allégées par le travail précaire des ouvriers des chantiers d’installation et des danseurs et danseuses de la cérémonie d’ouverture.

    Des scandales à répétition Contrairement à une idée reçue, le fonctionnement du CIO ne repose pas sur l’adhésion d’États ou organisations internationales. Il s’agit d’une entité autonome, supranationale, constituée de personnalités recrutées par cooptation et qui ne rendent de comptes à personne.

    La Charte olympique précise même, dans son article 16, que ses membres ne sont pas « responsables des dettes ou des obligations du CIO ». Les votes se font à bulletin secret. Y compris pour les scrutins les plus sensibles, ceux qui conduisent à la désignation des pays hôtes des compétitions et sont régulièrement entachés d’affaires de corruption. Une longue tradition de scandales, des Jeux d’hiver de Salt Lake City en 2002 (la ville de l’Utah vient d’être malgré tout désignée pour un nouveau tour en 2034) aux derniers Jeux d’été de Tokyo en 2021.

    Dans ce dernier cas, la justice française a établi que le dirigeant sénégalais Lamine Diack avait coordonné le vote des membres africains du CIO pour que le dossier japonais l’emporte, pendant qu’une société offshore liée à son fils touchait 2,3 millions de dollars de commission occulte du comité de candidature nippon. Les mêmes circuits avaient déjà été utilisés pour la candidature de Rio 2016 ou pour que des athlètes russes échappent à des sanctions après la mise en place d’un système de dopage d’État.

    Une proche de Modi, un soutien de Milei Parmi les 111 membres actuels du comité, on retrouve un aréopage d’anciens sportifs, ou représentants de fédérations, qui évoluent au croisement des mondes des affaires et de la politique : le prince Albert II de Monaco, la collectionneuse indienne d’art Nita Ambani (épouse d’un milliardaire indien proche du premier ministre Narendra Modi), la ministre finlandaise de l’agriculture et ex-championne d’athlétisme Sari Essayah ou encore l’ancien député algérien Mustapha Berraf. Ce dernier est depuis des lustres l’homme fort de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (ACNOA, financée par le CIO), qui a laissé une ardoise – jamais remboursée – de plusieurs centaines de milliers d’euros à un entrepreneur français après les Jeux olympiques de Londres en 2012.

    Le CIO fait aussi la part belle au banquier argentin Gerardo Werthein, qui siège depuis 2020 à la commission exécutive, le saint des saints de l’organisation. Il s’agit d’un proche du président d’extrême droite Javier Milei, lequel en a récemment fait son ambassadeur aux États-Unis, sans que cela fasse réagir quiconque à Lausanne.

    Officiellement « apolitique », l’organisation n’a également rien dit quand un autre de ses membres, l’ancien champion et ministre français Guy Drut – condamné en 2005 dans une affaire de marchés truqués, avant d’être amnistié par Jacques Chirac – a appelé à voter pour l’extrême droite aux dernières législatives. Personne ne s’était élevé, non plus, devant le passé de Juan Antonio Samaranch, ex-ministre des sports de Franco, qui a conservé son titre de « président honoraire » malgré l’exhumation en 2009 d’une photo de lui effectuant un salut fasciste en 1974.

    En fonction de 1981 à 2000 (il a été réélu par acclamation à chaque fois), Samaranch a fait basculer le CIO dans l’ère de sa financiarisation, tout en dirigeant un empire (textile, banque et immobilier) en Espagne et Amérique du Sud. Coopté en 2002, son fils et héritier, Juan Antonio Samaranch Jr., est aujourd’hui vice-président du CIO.

    La construction d’un monopole Les années Samaranch père ont marqué un tournant dans la structuration du comité, qui a déposé les marques commerciales olympiques en 1985, ouvrant la voie à une explosion des revenus. « Environ 30 000 dollars étaient versés par les chaînes de télévision au CIO dans les années 1970. Aujourd’hui, on en est à plusieurs milliards », relevait en 2008 l’historien du sport Patrick Clastres.

    Dans ce contexte, développe le chercheur Alexandre Morteau dans une thèse récente sur le sujet, « les dirigeants olympiques se sont engagés dans un processus de centralisation et de bureaucratisation du système pour construire et administrer leur monopole de redistribution des revenus ». Ce qui a ensuite permis à ces mêmes dirigeants, associés aux acteurs économiques dominants du secteur, d’accroître leur influence afin par exemple « de négocier des dérogations fiscales avec les pouvoirs publics ».

    Dans ce système vertical et clientéliste sur lequel règne le CIO, ce dernier n’agit pas comme un simple opérateur qui suivrait les évolutions de la société. Par son pouvoir, il dispose d’une force motrice, façonne l’événement à sa guise, véhiculant une idéologie dont les manifestations les plus éclatantes ont surgi ces dernières semaines dans les rues de Paris.

    La privatisation de l’espace public par les sponsors internationaux (Coca-Cola, McDonald’s, Samsung) ou nationaux (LVMH, Accor, Carrefour) ? c’est dans le cahier des charges du CIO. La surveillance algorithmique et autres délires sécuritaires, ayant abouti à la militarisation du centre de Paris comme jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, comme l’a relevé The Guardian ? ce sont les exigences du CIO. Les coûts « annexes » qui explosent (notamment sur la sécurité) après avoir été sous-évalués dans le dossier de candidature ? c’est toujours le cas avec le CIO.

    Au mois d’avril, un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur s’inquiétait ainsi auprès de Mediapart des prétentions toujours plus élevées des organisateurs des Jeux, que l’État n’arrivait plus à suivre, pour la mise en œuvre des dispositifs de sécurité. Ces demandes portaient notamment sur les effectifs de pompiers, dans un contexte de risques d’incendies ailleurs sur le territoire. Jeudi 25 juillet, c’est un représentant du monde sportif qui s’indignait des inégalités provoquées par les Jeux après s’être vu remettre, en même temps que son invitation pour assister à la cérémonie d’ouverture, un passe Navigo gratuit et illimité jusqu’au 14 août, alors que les prix des transports en commun ont doublé pour les usagers franciliens.

    Un bras de fer jamais engagé Les pouvoirs publics ne sauraient pour autant se présenter comme victimes des caprices du CIO, après s’être mis à genoux pour l’accueillir. Dès 2015 et les prémices d’une candidature de Paris, quelques hauts fonctionnaires alertaient sur l’importance de conditionner ce projet à la mise en œuvre d’un réel bras de fer avec le comité. Leur credo pouvait se résumer ainsi : « Ok pour les JO, mais pas dans ce format. » Ils en critiquaient l’impact financier et environnemental. Après les défections de toutes les autres candidatures face à Paris, et le souhait de Los Angeles de se laisser plus de temps pour préparer 2028, la fenêtre paraissait encore plus ouverte en 2016 pour des négociations.

    Mais cette piste n’a jamais été sérieusement explorée. La petite équipe qui portait la candidature – minée par les conflits d’intérêts et dont certains membres avaient aussi des liens avec le CIO (à commencer par le président Tony Estanguet, membre de l’organisation jusqu’en 2021) – a préféré avancer tête baissée pour garder en vie un système, certes à bout de souffle, mais dans lequel chacun était parfaitement intégré. « Les Jeux, ça fait rêver. Mais on ne regarde que le rêve, on oublie de regarder derrière le rêve, la machine à rêves qui est derrière et qui est peu rutilante », relevait en 2008 l’ancien athlète sénégalais Lamine Gueye, auteur d’un livre sur ses années de combat seul contre la présidence Samaranch.

    Cet aveuglement s’est ensuite confirmé à toutes les étapes du projet, des réglages du dossier de candidature en passant par le vote de la « loi olympique » déroulant le tapis rouge aux diktats de l’institution de Lausanne. Si bien que, des années plus tard, la Cour des comptes invitait encore, dans un rapport publié en janvier 2023, le comité d’organisation de Paris 2024 et l’État – dont elle rappelait au passage qu’il est le « garant [financier] en dernier ressort d’un éventuel déficit final » – à muscler leur jeu « de façon coordonnée et avec fermeté » pour essayer d’arracher des « ajustements » au CIO.

    Bien trop tard, et si peu efficace que les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, soutenues par Emmanuel Macron, viennent d’être officiellement sélectionnées le 24 juillet par le CIO pour organiser les Jeux d’hiver en 2030 dans des montagnes ébranlées par le dérèglement climatique

    4
    Reprise de Duralex : le tribunal valide le projet de SCOP, tous les emplois sauvés
    www.lemonde.fr Reprise de Duralex : le tribunal valide le projet de SCOP, tous les emplois sauvés

    Trois offres de reprise de l’emblématique entreprise de verrerie ont été examinées par le tribunal de commerce d’Orléans.

    Reprise de Duralex : le tribunal valide le projet de SCOP, tous les emplois sauvés

    Le tribunal de commerce d’Orléans, après avoir analysé les trois offres de reprise de la verrerie Duralex, a retenu vendredi 26 juillet la proposition de société coopérative de production (SCOP) soutenue par 60 % du personnel et portée par la direction du site.

    Ce projet de coopérative, qui a obtenu l’appui des élus locaux, dont celui de la région, prévoit le maintien de la totalité des emplois de l’entreprise, placée en redressement judiciaire fin avril. Elle comptait encore récemment 228 salariés, mais une démission et un départ à la retraite ont porté ce chiffre à 226, a précisé Vasco Da Silva, le secrétaire du comité social et économique, élu syndical à la CFDT.

    Le tribunal a évoqué un « projet marketing et commercial cohérent et sérieux » avec des « garanties fortes », estimant que la SCOP apparaît en mesure de maintenir les « activités des salariés dans des conditions réalisables ».

    « Une belle victoire » « On est soulagés pour l’ensemble des salariés de Duralex qui se sont battus. Tout le monde est venu à nos côtés pour gagner. Les salariés sont plus que motivés, on invite tous les Français à acheter Duralex ! », a lancé François Marciano, le directeur de l’usine, qui a donné rendez-vous à la presse le 2 septembre à l’usine Duralex « pour présenter le plan stratégique et un projet national inédit ». M. Marciano a d’ailleurs tenu à remercier le président de la métropole, de la région, la préfète et les banques, qui ont assuré des garanties financières.

    Le président de la région Centre-Val de Loire, François Bonneau, a évoqué « un succès pour les salariés » et une vraie victoire sociale « pour une entreprise emblématique », dans un communiqué transmis à la presse.

    Même son de cloche pour le ministre de l’industrie démissionnaire Roland Lescure, joint par l’Agence France-Presse. « C’est grâce à la grande détermination des salariés, qui ont construit ce projet de SCOP depuis de longs mois, que la reprise de Duralex a pu être rendue possible, et l’Etat a répondu favorablement à leur demande de soutien financier. Ce projet devrait permettre de pérenniser l’activité de Duralex et maintenir l’ensemble des emplois », a-t-il déclaré.

    Flambée des prix Deux autres offres de reprise de ce fleuron de l’industrie française sis à La Chapelle-Saint-Mesmin près d’Orléans étaient en lice : celle de la SARL Tourres et Cie, détenue par Stéphanie et Adrien Tourres, qui prévoyait de conserver 183 salariés, et une offre émanant de Carlesimo Investissements/GCB Investissements, qui ne reprenait que 125 emplois.

    Le Monde Jeux Chaque jour de nouvelles grilles de mots croisés, Sudoku et mots trouvés. Jouer Depuis une vingtaine d’années, Duralex est régulièrement confrontée à des difficultés financières. Après une nouvelle procédure de redressement judiciaire, il y a trois ans, l’entreprise a subi la flambée des prix de l’énergie, conséquence de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en 2022. Elle a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d’euros de l’Etat. En 2023, son chiffre d’affaires est tombé à 24,6 millions d’euros, contre plus de 31 millions en 2022.

    L’entreprise, qui fut la fierté de la production industrielle française, surnommée « la tour Eiffel de la vaisselle », est actuellement aux mains de la Compagnie française du verre, également propriétaire de Pyrex, qu’elle avait reprise en 2021, à la barre de ce même tribunal.

    7
    InitialsDiceBearhttps://github.com/dicebear/dicebearhttps://creativecommons.org/publicdomain/zero/1.0/„Initials” (https://github.com/dicebear/dicebear) by „DiceBear”, licensed under „CC0 1.0” (https://creativecommons.org/publicdomain/zero/1.0/)KL
    Klaqos @sh.itjust.works
    Posts 23
    Comments 112